Du 26 février au 12 mars, le Kolèktif Mas Kiltirèl qui fête en 2019 son 15e anniversaire a organisé sa 9e exposition intitulée “Larèl an Nou” au Pavillon de la Ville à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Nous avons rencontré Alain Mozar qui est le secrétaire de cette organisation et le scénographe de cette exposition.
Né en 2004 à l’initiative d’Alain Mozar, le Kolèktif Mas Kiltirèl (KMK) comptait une dizaine de “groupes à peau” ou “gwoup a po”. Aujourd’hui, il rassemble 26 groupes originaires de 30 communes de l’archipel guadeloupéen (sur 32), les trois-quarts étant de la région pointoise (voir la liste ci-dessous). Il faut savoir que certains groupes comme Akiyo, Klé La ou Nasyon a Nèg Mawon ne font pas partie de cette organisation…
Entre 2005 et 2013, le KMK a organisé 8 expositions sur le Mas au Centre Culturel Rémy Nainsouta. La 9e intitulée “Larèl an nou” vient de se tenir du 26 février au 12 mars au Pavillon de la Ville à Pointe-à-Pitre.
Cette manifestation a réuni 13 groupes qui ont fourni plusieurs pièces (costumes, photos, affiches, dessins, toiles, objets divers). Celles-ci étaient réparties dans des espaces représentant les différentes communautés d’agglomération et la communauté de communes de Marie-Galante qui existent sur le territoire de l’archipel guadeloupéen. Pendant ces deux semaines, des Guadeloupéens (même si beaucoup, par superstition ou par croyance, considèrent que le carnaval est maintenant terminé et qu’il faut respecter le Carême), des enfants de centres de loisirs puis d’écoles primaires et des touristes ont visité cette exposition.
Trop de critiques entre les “groupes à peau”
Alain Mozar est le secrétaire du KMK et également l’auteur des onze magnifiques photos du carnaval de Guadeloupe 2019 en grand format qui ont été exposées. Il était le scénographe de cette exposition. “Le choix du thème, “Larèl an Nou”, s’explique par deux raisons. La raison interne est qu’il y a trop de jugements entre les groupes ; la raison externe, c’est cette question : Dans le carnaval de Guadeloupe, où sommes-nous?”, déclare-t-il. Alain Mozar ne fait pas partie d’un groupe de carnaval mais, jusqu’en 1962, il a participé à de nombreux défilés en pyjamas durant la période carnavalesque. Il est aussi un grand observateur du carnaval de la Guadeloupe ou, plus précisément, des “groupes à peau”, il peut raconter toute l’histoire du carnaval pendant des heures.
Cet ancien délégué de la Fédération des Maisons des Jeunes et ancien directeur de la Maison des Jeunes de Pointe-à-Pitre se souvient des expositions sur le Mas, ainsi que des films et des photos qu’il a réalisés avec son équipe de 1980 à 1998. “Dès mon enfance, je côtoyais déjà les “carnavaliers” car ma mère avait une épicerie face au Centre Culturel Rémy Nainsouta à Pointe-à-Pitre et, à l’âge de 12 ans, il m’arrivait de servir les clients; les “carnavaliers” venaient boire un verre dans la buvette et je les entendais discuter des défilés (…) Plus tard, je suivais aussi les musiciens des groupes à la mode Ritmo Combo et Sélecta; un de mes frères était dans le groupe Akiyo; je fréquentais le local du musicien Kafé qui se trouvait face au Centre Hospitalier et Universitaire et je voyais passer les défilés. Avant de créer ce collectif, de 2002 à 2003, je me suis donc penché sérieusement sur le carnaval”, raconte Alain Mozar.
Valoriser le “Mas a Po” pour plus de visibilité
Plusieurs réunions avec les “groupes à peau” qui jouaient la musique des “Mas a Senjan” à Pointe-à-Pitre et la musique “Gwo Siwo” à Basse-Terre ont précédé la concrétisation de cette idée de les fédérer. “Nous partions du constat que plusieurs “groupes à peau” tel que “Le Point d’Interrogation”, étaient nés d’explosions successives d’Akiyo, né en 1979. Ces groupes ne voulaient pas dépenser de l’argent pour défiler ce qui n’était pas le cas du carnaval “officiel” organisé, à cette époque, par Raymond Giraud (Directeur de l’Office du Tourisme) et Madame Aimée Adeline. Nous avions évoqué le fait que les “groupes à peau” n’avaient pas suffisamment de place dans le média national, RFO. D’ailleurs, on les appelait les “Mas sales” et on vous déconseillait d’aller défiler avec eux. Le “Mas a Po” était aussi considéré comme un opposant politique, un rebelle voire un indépendantiste. Il fallait que l’on s’organise pour valoriser le “Mas a Po” et avoir plus de visibilité. Nous avions donc deux combats à mener : un combat médiatique et un combat pour l’entente entre les groupes”, explique longuement Alain Mozar. En outre, le secrétaire du KMK se souvient aussi qu’entre 1980 et 2000, beaucoup de groupes refusaient le terme “association”, ils préféraient s’appeler “mouvman kiltirèl” (mouvement culturel). Aujourd’hui, il existe plusieurs courants à l’intérieur des “groupes à peau”: politique, musical et décor-costume.
15 années de communication
“On n’a pas encore mesuré la portée de l’apport culturel des Mas. Nous touchons à quelque chose de particulier. Il faut comprendre aussi que les gens viennent dans les groupes d’abord pour eux, pour leur psychologie, se dépasser physiquement; on se demande, par exemple, comment font les “carnavaliers” des “groupes à peau” pour monter si rapidement le morne de Massabielle en défilant?… Certains critiquent les costumes des “groupes à peau” mais, aujourd’hui, il faut comprendre que ces “carnavaliers” ont un autre rapport au corps”, déclare-t-il.
Le Kolèktif Mas Kiltirèl qui célèbre cette année son 15e anniversaire poursuit sa communication sur les Mas avec notamment la publication de la 14e édition de sa brochure intitulée “Larèl a Mas a Po”. Son prochain événement est un débat sur la Mi-Carême qui aura lieu le mercredi 27 mars. Cette année 2019 s’avère très importante pour le KMK car il devra redéfinir son projet pour les trois années à venir.
“Groupes à peau” du Kolèktik Mas Kiltirèl : Banbou – Inité Mas – Kannik – Kilèsmas – Kilti Aw – Kilti Ka – K’Mawon – Konbin a Mas Ka – Konngout – Loko La Mass – Mangròv La – Mas a Wobè – Mas Bòkò Ka – Mass and Gwa Kinga – Mouvman Kiltirèl Answa – Moun Ki Moun (MKM) – Mouvman Kiltirèl Boula – Oüaliapa – Restan La – Sèk Si An Po – Sonjé Sa – Ti Kanno – VIM – Yo Men’M – Point d’Interrogation – Mas Ka Klé