Le multi-instrumentiste Pascal Udol alias Skalp DBS: “La musique m’a ramené dans la vraie vie”

Le multi-instrumentiste Pascal Udol alias Skalp DBS

Même si la basse est son instrument préféré, Pascal Udol alias Skalp DBS joue plusieurs instruments de musique, depuis l’âge de 12 ans. Adolescent, il a étudié au Centre d’Informations Musicales (CIM) et a commencé à se produire sur les grandes scènes de Paris dans les années 1980. Le musicien qui a quitté la Guadeloupe quand il avait 5 ans est de retour au pays depuis un an. Il vient de commencer localement la promotion de son dernier album intitulé “Retour aux Sources”. Il a inventé sa propre musique, son nom : Afro-caribéenne.

kariculture.net vous propose la 1ère partie de cette longue interview que le talentueux artiste lui a accordée.

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Kariculture.net : Ton vrai nom est Pascal Udol et ton nom d’artiste est Skalp DBS. Que signifie ce sigle et pourquoi avoir choisi ce nom?

Skalp DBS : Skalp, c’est Pascal à l’envers, D c’est Drum, la batterie en anglais car j’étais d’abord batteur, B c’est Bass, je suis bassiste et S c’est Select.

Kariculture.net : De quelle commune de Guadeloupe es-tu originaire?

Skalp DBS : Ma famille est originaire de l’île de Marie-Galante, elle est venue vivre en Guadeloupe, je suis né à Pointe-à-Pitre.

Kariculture.net : À quel âge as-tu quitté la Guadeloupe pour l’Hexagone? As-tu des souvenirs de cette époque-là?

Skalp DBS : Ça devait être en 1977 et 1978, j’avais 6 ou 7 ans. J’étais à l’école primaire de Mortenol à Pointe-à-Pitre. J’ai dû faire les deux premières classes. Ma mère est partie travailler en France par le BUMIDOM, elle était fonctionnaire, et elle m’a laissé avec ma grand-mère et, dès que la situation est devenue claire, elle a fait venir ses enfants. Je n’ai jamais voulu quitter la Guadeloupe mais je n’ai pas eu le choix.

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Kariculture.net : Et ton père?

Skalp DBS : Je ne le connais pas. Vers 25 ans, j’ai su son nom et j’ai compris pourquoi j’ai fait de la musique ; il paraît que mon père est un saxophoniste… Chez moi, personne ne joue de la musique, mon oncle est DJ, mes frères sont chanteurs, je suis le seul musicien.

Kariculture.net : Tu es musicien et multi-instrumentiste, de quels instruments joues-tu à part la basse et la batterie?

Skalp DBS : Tous les instruments à cordes (guitare, basse, batterie, piano, kalimba…) et le tambour-ka. À12 ans, je jouais déjà tous les instruments que j’avais appris tout seul.

Kariculture.net : Quand as-tu commencé la musique?

Skalp DBS : J’étais très petit, 5 ans, j’accompagnais mon oncle Patrick Udol – qui maintenant travaille à Média Tropical et Espace FM – qui allait répéter dans un groupe de gwoka à Bas-du-Fort. Je ne jouais pas encore, j’étais là, je tapais sur le tambour et surtout je regardais. J’ai vraiment commencé la musique en France hexagonale, tout de suite ils ont repéré qu’il y avait quelque chose.

Quand j’étais petit, j’avais beaucoup de problèmes de santé, de mémoire. La musique m’a ramené dans la vraie vie. J’ai un parcours très spécial, je n’ai jamais fait l’école comme tout le monde.

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Kariculture.net : Comment cela s’est-il passé?

Skalp DBS : J’ai appris tout seul, on commence toujours la musique tout seul. J’ai toujours été attiré par la musique, quand je suis parti en France, mon oncle est resté ici, je n’avais plus personne. À Paris, vu que j’avais des problèmes de mémoire et qu’ils n’arrivaient pas à trouver une solution, ils ont essayé tout plein de choses et ils ont remarqué que j’avais une facilité avec la musique, je retenais tout. J’étais dans une école privée, on pouvait changer de discipline quand le prof voyait que je n’étais pas bien ou quand je « déconnais », on me disait que j’irai en salle de musique sinon on va tout dire à mes parents, je ne voulais pas y aller d’ailleurs…

Kariculture.net : Mais tous les enfants auraient été ravis de partir en salle de musique…non?

Skalp DBS : Cela dépend des enfants (rires)… Ça devient une punition quand on t’oblige à faire des choses dont tu n’as pas envie. En tout cas, cela a fonctionné.

Kariculture.net : Quels instruments as-tu découvert dans cette fameuse salle de musique?

Skalp DBS : Bien sûr, les percussions. Mon premier instrument moderne a été la batterie, vers 10 ans. Au départ, je voulais vraiment être bassiste. À l’époque, j’avais un ami dont le père était un musicien qui tournait dans le monde entier et était très connu ; je lui reprochais le fait qu’il ne fasse pas de la musique puisqu’il avait tout le matériel ; j’ai insisté pour qu’il joue avec moi et je lui ai demandé de choisir l’instrument qu’il voulait, malheureusement, il a choisi la batterie sachant que j’étais batteur, peut-être pour m’embêter, cela ne m’a pas dérangé, je suis un caméléon donc j’ai profité pour aller vers la basse.

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Kariculture.net : Il t’a rendu service?

Skalp DBS : Il m’a rendu service mais je n’avais pas d’instrument. Ma mère n’était pas d’accord que je fasse de la musique. Dans les années 70, ce n’était pas bien (…) Plus tard, elle a d’ailleurs essayé de me faire entrer à la mairie de Paris dans le 18e arrondissement, j’aurais pu être fonctionnaire mais je me suis barré de là… J’ai donc joué avec cet ami, moi je suis un bosseur, je jouais 10 à 12 par jour et lui est resté à un niveau très bas.

À l’âge de 10 ans, l’école privée où j’étais scolarisé et la Mairie de Paris ont organisé un spectacle sur France 2, je jouais de la batterie, je commençais à faire de la scène, c’était marrant.

Kariculture.net : As-tu étudié la musique?

Skalp DBS : J’ai étudié la basse. Mon prof de français m’avait prêté un instrument pendant plus de deux ans, j’avais 11 ans. Je suis rentré au CIM (Centre d’Informations Musicales) à 14 ans dans le 18e à Paris. C’était la grande école de jazz dans les années 80 à Paris d’où sont sortis les groupes Sixun, Ultramarines ou Michel Alibo, j’étais avec eux même s’ils sont un peu plus âgés que moi… Cette école existe toujours mais ce n’est pas pareil, à la base ce n’était pas une école, ça a tellement bien fonctionné qu’on y trouvait tous les grands musiciens.

Kariculture.net : As-tu poursuivi ta scolarité ou t’es-tu concentré uniquement sur la musique?

Skalp DBS : J’ai arrêté l’école vu que j’avais ce problème de mémoire; les seules choses que je retenais étaient les notes de musique.

Pascal Udol-Skalp DBS 6Kariculture.net : La musique s’est imposée à toi?

Skalp DBS : Je n’ai pas eu le choix. Mon prof de français m’envoyait tous les jours en salle de musique, il fallait qu’il trouve quelque chose pour m’aider… C’est ce qui me permettait de suivre un peu, il le faisait non pas comme une punition mais par rapport à ma maladie. J’ai eu ce problème de mémoire de 6 ans jusqu’à 14 ans, j’étais asthmatique, quand il y avait 5 personnes autour de moi, je tombais dans les pommes (…).

Kariculture.net : Comment se sont passées tes études musicales au CIM ?

Skalp DBS : À l’époque, j’avais un deal car les études au CIM coûtait très cher – au moins 50 000 francs – avec beaucoup de cours (histoire du jazz, l’harmonie, le solfège,) 40 feuilles par semaine à étudier du lundi au samedi. On m’a offert le CIM mais il y avait forcément une contrepartie qui était que je m’occupe des locaux de répétitions et de cours et du matériel ; de plus, le CIM avait 2 concerts par semaine auxquels je devais participer : un au CIM et un autre au New Morning ; mon premier concert au New Morning était en 1984 ou 85.

Je ne faisais pas uniquement de la musique au CIM, je faisais aussi de la danse : danse acrobatique, claquettes, mordern jazz, danse africaine.

Kariculture.net : À quel âge as-tu quitté le CIM ?

Skalp DBS : Je suis rentré au CIM à 14 ans et je l’ai quitté 2 ou 3 ans après. Je suis resté à l’école mais je n’allais plus aux cours.

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Kariculture.net : Qu’est-ce que tu n’as pas supporté au CIM ?

Skalp DBS : Je me suis trompé de prof. C’était un super musicien mais il n’était pas pédagogue. Pour rentrer au CIM, il faut minimum 2 ans de solfège et 2 ans de pratique, je n’avais ni l’un, ni l’autre. Quand tu ne sais pas lire et écrire la musique et que les autres mecs ont 5 ou 10 ans de pratique et de solfège et toi tu n’as que quelques mois, personne ne veut jouer avec toi, j’étais en larmes tout le temps, personne ne voulait m’accompagner, je ne savais pas jouer, ils étaient trop forts et moi trop faible, je débutais. Il faut simplement comprendre qu’on a vu qu’il y avait quelque chose chez moi et qu’on m’a donné ma chance que je n’ai même pas pu saisir car j’étais trop jeune.

Kariculture.net : À ton avis, c’est ton talent qui t’a ouvert les portes de cette école de musique? On t’avait déjà repéré ailleurs ?

Skalp DBS : C’est juste mon talent qui m’a fait rentrer au CIM. À l’époque, j’avais fait un concert au Tremplin qui se trouvait à Ris-Orangis. C’est une salle mythique où Johnny Hallyday s’est produit et qui existe bien avant ma naissance, j’ai même joué avec les musiciens de Johnny, son batteur, son guitariste, et avec pas mal de gens.

Kariculture.net : Donc très jeune, tu avais déjà une bonne expérience de la scène, au CIM, au New Morning et au Tremplin ?

Skalp DBS : J’avais 15 ans. Je jouais avec une association qui s’appelait Coton Tige, c’était marrant. En fait, mon prof de français qui m’avait prêté la basse faisait partie de cette association qui s’occupait des jeunes en difficultés, des jeunes de la DASS, allait chercher des subventions, nous, on faisait des concerts. Je voulais apprendre la musique, je me suis retrouvé avec eux naturellement, ils me prêtaient le matériel et la contrepartie était de jouer avec eux.

Aujourd’hui, j’écris de la musique encore pour Hervé, ce prof de français, il m’appelle tous les ans, il est même venu en Guadeloupe, l’année dernière. C’est lui qui m’a fait faire mes premiers concerts au Tremplin, en Europe, c’est lui qui a cru en moi, il savait que j’allais choisir la musique comme métier.

En fait, les gens que j’ai rencontrés quand j’étais petit sont toujours avec moi : mon médecin je l’ai connu en 1978 mais en Guadeloupe, j’ai dû changer de médecin. Je suis quelqu’un de fidèle, les gens qui m’ont fait du bien, je ne les mets pas de côté.

Kariculture.net : À quel moment as-tu commencé à gagner ta vie avec la musique ?

Skalp DBS : Très jeune, trop jeune. Dès que je suis passé à la télé sur Antenne 2 ou France 2 à 10 ans, l’argent a commencé à rentrer.

Kariculture.net : À ta sortie du Centre d’Informations Musicales de Paris, avec quels artistes as-tu collaboré et quels genres de musique jouais-tu ?

Skalp DBS : J’ai joué avec les groupe Roskins, Force One, avec Frantz Dorville, j’ai participé à l’album de Phil Control etc. Je faisais toutes sortes de musique ; quand je suis sorti du CIM, j’ai tout « brûlé »…

J’ai fait pendant une vingtaine d’années – dont 6 ans à Deauville – des reprises de variétés françaises, de chanteurs américains dans toute la France avec d’autres artistes antillais (Frantz Dorville, Raphaël Bolivar), les gens appréciaient tellement mon travail qu’ils m’empêchaient même d’aller en vacances. Je gagnais très bien ma vie, j’avais une fille à élever. On travaillait à 2 ou 3, comme je suis multi-instrumentiste, tout était programmé. C’était par exemple lors des banquets, mariages, anniversaires, Bar-mitzvah et plus on te voit, plus on t’apprécie, plus tu as du boulot.

Kariculture.net : Tu as joué également avec beaucoup d’artistes du continent africain, qui sont-ils et pourquoi ?

Skalp DBS : J’ai aussi joué longtemps avec NZongo Soul, un Congolais qui a notamment joué avec Bernard Lavilliers. Malheureusement, il est décédé il y a quelque temps. C’était une des plus grandes voix d’Afrique, un showman, une pointure. J’ai collaboré avec Fifi Rafiatou, une artiste togolaise, avec Doura Barry qui a chanté « Les filles de mon pays », on m’a déjà appelé pour sa prochaine tournée au Mexique (…). Ce sont des artistes que j’aime bien, des gens que l’Afrique respecte, du coup on me respecte aussi. On s’est grandement aidé mutuellement. Depuis tout petit, j’étais attiré par la musique africaine. L’Afrique m’a toujours ouvert les portes, est toujours venue vers moi, ils m’ont toujours appelé pour me faire bosser. En France, j’ai joué presque uniquement avec les Africains, peut-être que les Antillais n’aimaient pas trop mon style ou j’allais trop vers l’Afrique et cela les dérangeait. Je suis allé là où les gens voulaient de moi et cela m’intéressait plus parce qu’il y a plus de rythmes (…).

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