Céline Bernabé : “Je ne suis pas elle, je suis l’autre”

Du 19 octobre au 10 novembre, Céline Bernabé, présente au Centre Culturel Rémi Nainsouta de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) sa deuxième exposition personnelle intitulée “Projection”. L’artiste multidisciplinaire d’origine martiniquaise mais vivant en Guadeloupe n’hésite pas à se mettre en scène pour étayer ce thème qui semble plutôt complexe, de prime abord.

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“Moi? Pour Qui? Pourquoi”, “Que vois-tu de toi?”, “Heu…?”, “Moi+Moi+Moi”, “Combien?”, À l’intérieur, un trésor”, ce sont quelques titres énigmatiques des oeuvres de l’exposition intitulée “Projection” que présente Céline Bernabé au Centre Culturel Rémi Nainsouta à Pointe-à-Pitre. L’artiste offre au public des photographies d’elle, des dessins, des peintures à base d’acrylique et de pastel, du collage, des installations…

“Ce thème m’est venu à la suite d’un travail personnel que j’avais effectué sur moi-même, il y a quelque temps. Il était nécessaire pour moi d’avoir cette aide. J’ai découvert le mot “Projection” qui est “le fait d’attribuer à quelqu’un ses propres émotions”. J’ai donc fait des recherches”, dit Céline Bernabé. Certaines personnes seront également surprises de constater que la grande majorité des oeuvres exposées est basée sur la photo, le portrait de l’artiste mais celle-ci se défend d’être une personne narcissique. “Mon corps, plus précisément mon visage, est mon support de travail. Je montre des expressions comme par exemple la tristesse, la colère… J’ai réalisé de nombreuses photos à l’aide de mon téléphone portable ou mon appareil photo. J’ai commencé à travailler l’autoportrait en 2015”, précise l’artiste.

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Le miroir et ses symboles

Une chose est certaine : pour comprendre cette exposition, le visiteur doit accepter de se remettre en question, de s’interroger sur sa propre existence. Lors du vernissage qui s’est déroulé le 18 octobre, Céline Bernabé a interprété une performance appelée “Je ne suis pas elle, je suis l’autre” pour montrer que l’image que les autres personnes peuvent avoir de nous n’est pas forcément la vraie…

“D’une personne à une autre, l’interprétation d’une photo est totalement différente, une personne perçoit l’autoportrait à partir de ses propres émotions. Une jeune femme a visité l’exposition et je l’ai vue complètement “ébranlée” par certaines oeuvres (…) Je donne des explications aux visiteurs qui me les demandent, je donne des pistes, des réflexions, j’ai mis des points d’interrogation dans les titres de mes oeuvres. Il y a des personnes qui viennent voir l’exposition et elles ne veulent aucune explication”, affirme-t-elle.

Pour expliciter le thème “Projection”, Céline Bernabé a utilisé le miroir, ce miroir qui nous renvoie notre portrait, ce miroir cassé dans lequel certaines personnes refusent de se regarder, ce miroir qui, dans nos sociétés antillaises, est chargé de symboles. “Je vois aussi dans le miroir l’aspect magique avec “Alice aux Pays des Merveilles”. Par ailleurs, un enfant qui se voit pour la première fois dans un miroir comprend qu’il est une personne individuelle alors que jusque-là il faisait un tout avec sa mère (…) Dans l’installation intitulée “À l’intérieur un Trésor”, le visiteur a tendance à chercher dans la boîte ce fameux trésor mais il se voit dans le miroir car, en fait, c’est lui le trésor“, explique la créatrice.

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Une artiste autodidacte et multidisciplinaire

Céline Bernabé est originaire de la Martinique, une île qu’elle connaît finalement peu car elle a grandi en France. Elle est arrivée en Guadeloupe en 2008 et elle exerce la profession d’assistante sociale dans une grande collectivité locale. Elle a découvert l’univers artistique à l’âge de 6 ans lorsqu’elle a commencé à prendre des cours de piano et de chant. En 1998, elle a même eu l’occasion de partir au Liban pour interpréter une pièce appelée “Nuit guerrière”

Il y a douze ans, la jeune femme a décidé de s’intéresser aux arts plastiques à la suite d’une formation avec un art-thérapeute : “il nous avait donné du papier et de la peinture en nous demandant de réaliser ce que nous voulions. Je m’étais mise à balancer de la peinture sur cette feuille et ce formateur m’avait dit que ce geste s’appelait la projection ; j’avais réalisé plusieurs oeuvres et il m’avait conseillé de ne pas abandonner la peinture”, raconte-t-elle.

Artiste autodidacte et multidisciplinaire, Céline Bernabé a déjà participé à des expositions collectives en Guadeloupe comme “57” en septembre dernier ou “Inité” (Unité) en juillet dernier.

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La peinture comme thérapie

“Projection” est sa deuxième exposition personnelle ; en mars dernier elle avait, pour la première fois, montré aux amateurs d’art sa production dans une exposition de peintures abstraites intitulée “Instincts primaires” au Fort Fleur d’Épée au Gosier. “Je suis alimentée par des choses, des images. Inconsciemment, je suis influencée par ce que je vois dans les rues, dans les expositions que je vais voir. Je m’enrichis de différentes techniques. Récemment, j’ai découvert le collage et je l’ai utilisé dans cette exposition”, affirme-t-elle.

Cette année, la jeune artiste a réussi (avec une de ses collègues) à intégrer l’art dans le cadre de sa profession en mettant en place des ateliers où les familles (père, mère et enfants) sont invitées à réaliser ensemble une oeuvre. “Cela permet de voir la dynamique de la famille, la place de chaque membre au sein de cette famille, leur capacité d’écoute. Certains veulent même recommencer l’expérience et veulent savoir où acheter le matériel pour pratiquer la peinture”, déclare Céline Bernabé.

Une belle manière de démocratiser l’art en Guadeloupe.