Pourquoi le World Kréyol Art Festival se déroule-t-il dans une Guadeloupe confinée?

Joey Starr,le chanteur et acteur français d'origine martiniquaise - Oeuvre de Skem (World Kréyol Art Festival 2019) - Photo: Évelyne Chaville

Alors que beaucoup pensaient que le World Kréyol Art Festival prévu du 1er au 08 mai 2021 serait annulé puisque la Guadeloupe est confinée pendant trois semaines depuis le mardi 27 avril dernier, ils sont étonnés d’apprendre que la manifestation est maintenue.

Cet événement culturel se déroule, d’ailleurs, d’une façon assez particulière. Les fans de street art attendent un programme promis par l’organisation qui, à l’heure où nous rédigeons cet article, n’a toujours pas été publié. Nous apprenons que des artistes sont placés çà et là sans trop de précisions pour exécuter leurs oeuvres. De son côté, la déclaration de la préfecture de Guadeloupe qui nous est parvenue le 30 avril dernier est très claire concernant cette manifestation : Aucune demande de dérogation pour le maintien de ce festival n’est parvenue à ce jour en préfecture”.

La 3e édition du WKAF serait-elle alors clandestine durant ce confinement ? Notre vie est d’ailleurs rythmée par des attestations justifiant nos moindres déplacements si nous ne voulons pas recevoir de la part des forces de l’ordre une amende de 135 euros… Quelle attestation présenteront ces artistes en cas de contrôle de la police? L’actuelle municipalité de Pointe-à-Pitre leur délivrera-t-elle une attestation de déplacement pour “embellissement” de la ville? Ce sont des questions que se posent aussi certains artistes invités à prendre part à la manifestation…

Par le passé, les graffeurs et leurs graffiti ont été combattus et incompris en Guadeloupe et ailleurs. En effet, souvent, les gens passaient devant un mur “vierge” et le lendemain, ils étaient surpris d’y découvrir une fresque réalisée la nuit par un ou des individus à la sauvette et sans autorisation.

Le lancement du WKAF a réussi à mettre en scène des artistes à part entière et à mettre des noms sur des visages dont la plupart étaient jusqu’ici inconnus. Seuls quelques-uns étaient connus pour avoir peint sur des murs de résidences, de ponts, de stades entre autres, contre rémunération. En 2019, pendant plusieurs jours, ces artistes ont pu exprimer leur talent sur des murs après avoir obtenu l’autorisation de l’ancienne municipalité de Pointe-à-Pitre, des organismes privés ou publics et des habitants.

Le succès populaire de cette manifestation culturelle, lors de cette 2de édition, a été possible parce que les spectateurs (habitants de Pointe-à-Pitre et d’autres communes ou touristes) ont pu voir les artistes réaliser leurs oeuvres en direct, faire des photos et des vidéos de leurs performances artistiques, faire des selfies avec eux, commenter les fresques, discuter avec ces créateurs qui se sont montrés très accessibles. Ils ont apprécié un véritable spectacle vivant.

Donc, qu’est-ce qui peut expliquer le maintien de ce festival de street art en plein confinement alors qu’il aurait été plus sage d’attendre que le nombre de personnes contaminées par le Covid-19 baisse et que la Guadeloupe sorte du confinement? S’agit-il de faire plaisir aux artistes mais sans la présence du public ou avec des spectateurs qui n’ont pas le droit de se trouver dans les rues selon la loi ? Évidemment, à la sortie de ce confinement, la population découvrira ces dessins sûrement avec joie mais elle n’aura pas participé à ce festival qui se serait déroulé dans une sorte de clandestinité… Certains peut-être feront un circuit en pousse-pousse dans la ville afin d’obtenir des explications de la part des artistes et devront payer 35 euros…