Ricky Fou Conscient : “Je n’ai pas choisi cette vie, j’ai été pris au dépourvu”

Ricardo Louis alias Ricky Fou Conscient

Entretien : Ducarmel Alcius

“Ça, moi, surmoi”, “Lavi Facebook” ou “Élan de cœur”, ce sont quelques titres du slammeur haïtien Ricky Fou Conscient qui fait tantôt un diagnostic de la société, tantôt quelques critiques de l’individu dans ses rapports humains. Ducarmel Alcius, l’un des douze lauréats du 34e Prix du Jeune Écrivain de Langue Française d’origine haïtienne, a eu l’immense plaisir de rencontrer cet acteur social qui est le deuxième artiste à avoir un album de slam en Haïti. Il nous a envoyé cet entretien.

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Kariculture.net : Qui est Ricky Fou Conscient ?

Ricky Fou Conscient : Ricky Fou Conscient, de son vrai nom Ricardo Louis, est né à Port-au-Prince, au sein d’une famille de sept enfants dont il est le cinquième et a été élevé à Petit-Goâve (sa ville préférée). Il a fait des études de sciences juridiques, de psychologie et d’ontologie orientale. Mon blaze (Fou Conscient) vient surtout du fait que, chez nous, on a tendance à taxer de “fou” celui qui va à contre-courant et qui refuse de suivre la foule tout en assumant sa différence. Moi, je crois que c’est mieux d’assumer et puisque assumer c’est devenir conscient, alors appelez-moi “Fou Conscient”!

Kariculture.net : Pourquoi avez-vous choisi de faire du slam?

R.F.C. : C’est une question à laquelle j’ai toujours du mal à répondre… Je crois qu’on devrait demander au slam pourquoi moi, de préférence? Tout comme je l’ai mentionné dans un texte : “je n’ai pas choisi cette vie, j’ai été pris au dépourvu” et, depuis, c’est une belle histoire d’amour, un bel élan de synchronicité… voilà !

Kariculture.net : Quelle a été votre première impression de la vie dans le slam ?

R.F.C. : J’ai compris que la vie finit toujours par nous conduire sur notre propre voie de réalisation, que le “moi réel” finit toujours par triompher au-delà des schémas intériorisés par notre “moi idéal”. Et je crois que ma rencontre avec le slam en est un bel exemple !

Kariculture.net : Vous êtes le deuxième artiste à avoir un album de slam en Haïti. Qu’est-ce que cela vous rapporte de porter une voix à la jeunesse, à la société ?

R.F.C. : Quand on est à notre vraie place, on fait tout avec amour et au final ça nous rapporte toujours la joie de servir, la joie de faire ce qui nous procure du plaisir ! Ça permet de rencontrer des gens (en majeure partie des jeunes, comme moi), d’échanger et de dynamiser les rapports sociaux… C’est excitant !

Kariculture.net : Jaume Cabré, cet écrivain espagnol d’expression catalane, partage l’idée que l’art véritable naît toujours d’une frustration et qu’à partir du bonheur on ne crée rien. Quelle a été votre frustration pour faire du slam ?

R.F.C. : Je partage ! L’art, c’est l’expression de l’âme. C’est pour moi, un vecteur de liquidation des contentieux, des conflits intra-psychiques, des frustrations de notre enfant intérieur blessé. Si bien que c’est sur scène que j’ai appris à faire le deuil de mon père et à déverser ma rage de l’avoir perdu dès mes huit ans d’âge. C’est encore sur la scène que j’apprends à sublimer mes nombreuses déceptions affectives et crises familiales.

Kariculture.net : Le bonheur, pour vous, c’est quoi ?

R.F.C : Je prends le bonheur au sens du psychologue humaniste Abraham Maslow qui préconise d’abord la satisfaction de nos différents besoins qui nous amènera au stade de l’actualisation de soi. Le bonheur c’est, pour moi, être en harmonie avec soi-même et vibrer à l’unisson du champ vital cosmique, au-delà des soucis cautionnés par nos différents besoins.

Kariculture.net : Petite salutation à vos amis slammeurs ?

R.F.C. : Là, je crois qu’il y aurait trop de frères et sœurs à saluer… Mais je tiens à envoyer un élan de coeur spécial à Adelson Élias, cet humble ami poète que j’admire beaucoup pour son sens de l’humanité très prononcé ! Grand merci à vous pour l’échange !