Avec plus de 60 défilés, la Guadeloupe est la “Terre des Champions de Défilés de Carnaval”

Carnaval de Guadeloupe - Mas Maten Kongo-Karayib 2019 - Photo: Évelyne Chaville

59, c’est le nombre de défilés que nous avons dénombré dans le programme de carnaval de la Guadeloupe. Ce nombre est certainement plus élevé car toutes les écoles ou associations ne nous ont pas communiqué les événements qu’elles ont prévus durant cette période carnavalesque.

Finie l’époque où le carnaval se déroulait sur deux pôles : Basse-Terre, la “capitale administrative” et Pointe-à-Pitre, la “capitale économique”. On peut aussi ajouter la petite commune de Vieux-Fort qui organise son carnaval depuis plus d’un siècle selon des règles bien précises laissées par les anciens notamment l’obligation d’enlever leur fameux masque avant le coucher du soleil…

Depuis une vingtaine d’années, les festivités carnavalesques ont commencé à se décentraliser. Puis, progressivement, ce qui était exceptionnel est devenu habituel, normal et maintenant obligatoire.

Cette année, 23 villes et communes (sur 32) sont impliquées dans ces festivités : Pointe-à-Pitre, Les Abymes, Basse-Terre, Le Gosier, Capesterre Belle-Eau, Trois-Rivières, Pointe-Noire, Sainte-Rose, Baie-Mahault, Le Moule, Sainte-Anne, Goyave, Le Lamentin, Petit-Bourg, Deshaies, Vieux-Fort, Bouillante, Saint-François, Grand-Bourg, Saint-Louis ; Baillif, Gourbeyre et Saint-Claude étant des points de départ ou d’arrivée de “déboulés”.

59 défilés officiels, c’est beaucoup par rapport aux autres îles caribéennes qui célèbrent comme la Guadeloupe le carnaval avant le Carême et c’est aussi beaucoup par rapport aux autres îles caribéennes qui ont choisi de fixer leur carnaval à d’autres dates sur le calendrier.

Même le carnaval de Trinidad et Tobago considéré comme le premier carnaval de la Caraïbe et dont le slogan est “The Mother of All Carnivals” (La Mère de tous les Carnavals) – on suppose qu’il s’agit des carnavals caribéens et non de celui du Brésil! – ne possède pas ce nombre élevé de défilés. En effet, le carnaval trinidadien est composé de plusieurs concours, les défilés ne commençant que deux ou trois jours avant les Jours Gras. Au total, nous en comptons huit sur le programme officiel du carnaval de 2023.

Comment expliquer cette profusion de défilés, parades ou déboulés qui composent le calendrier du carnaval guadeloupéen? Rappelons que les défilés débutent le 1er janvier et durent jusqu’au Mercredi des Cendres. Sommes-nous un peuple très fier qui aime se montrer, parader? Sommes-nous un peuple qui aime revendiquer en descendant dans la rue pour mieux faire entendre sa voix? Le statut politique de la Guadeloupe (archipel caribéen non-indépendant, peuplé d’une majorité de descendants d’esclaves africains; territoire français) peut-il expliquer ce besoin d’expression sur le macadam?

Ce qui est sûr c’est qu’au cours de ces trente dernières années des groupes importants de carnaval ont pris naissance dans les communes et ils veulent défiler chez eux. En outre, les élus des villes, communes et maintenant communautés d’agglomération souhaitent aussi profiter de la renommée de ces groupes quand ils leur versent une subvention ou mettent à leur disposition un local et des moyens de transport…

Le carnaval est souvent comparé à un exutoire permettant de supporter les contrariétés de la vie et c’est également l’événement culturel le plus populaire de la Guadeloupe.

En tout cas, il faut trouver l’argent pour présenter un costume chaque semaine et heureusement les tenues des années précédentes sont réutilisées. Par amour, les carnavaliers investissent leur propre argent et s’endettent pour proposer un spectacle gratuit. Mais, pendant combien de temps encore les groupes – notamment les “groupes à caisses claires” – resteront-ils en dehors du “système” quand d’autres tirent profit du carnaval de Guadeloupe?

En conclusion, dans quelques années notre carnaval devra probablement opérer quelques changements. En effet, la Guadeloupe qui subit un exode massif des jeunes est annoncée comme l’une des régions françaises les plus vieilles. Il est clair que nos carnavaliers qui sont de plus en plus âgés (notamment dans les “groupes à peau”) ne pourront plus parcourir des kilomètres à pied pendant plusieurs semaines consécutives même avec la meilleure paire de baskets. Les groupes qui survivront à cette mutation seront-ils obligés de payer les quelques jeunes restés au pays afin de défiler chaque week-end et les Jours Gras?

Kongo Karayib-Mas Maten 57