Daly: “la musique est le centre de tout ce qui se passe dans ma vie”

À la fin de cette année, Didier Daly, connu sous le nom de Daly, sortira son 4e album, intitulé #OMG”. Ce nouvel opus n’échappera pas au goût musical éclectique auquel l’artiste guadeloupéen nous a habitués depuis plus de 20 ans. Après avoir connu le succès en tant que chanteur, acteur et même producteur, en 2011, Daly s’est lancé dans le monde associatif au Raizet, le quartier de son enfance, avec “Tout est Possible” pour apporter du bonheur aux autres et dire aux jeunes de croire en leurs rêves. Les résultats positifs enregistrés par son association ont conduit la municipalité à le nommer “Ambassadeur, chargé de l’insertion sociale et culturelle des jeunes de la ville des Abymes”.

Kariculture.net a rencontré Daly au Centre Socioculturel du Raizet, son lieu de travail.

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KARICULTURE.NET: Pourquoi avoir choisi Daly comme nom d’artiste?

Daly: Quand j’étais jeune, mon nom de tagueur était “Axion”. Au collège, on m’a toujours appelé “Daly”. En fait, quand des copains disaient qu’ils étaient en compagnie de “Didier”, on leur demandait lequel car il y avait plusieurs garçons qui se prénommaient “Didier”. Ils précisaient “Daly” alors cette habitude de m’appeler par mon nom de famille est restée. Au début de ma carrière, mon nom d’artiste était “Dalee” (j’avais changé l’orthographe) puis, j’ai repris mon véritable nom de famille “Daly”.

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KARICULTURE.NET: Comment es-tu devenu chanteur? Pourquoi avoir choisi les musiques urbaines pour t’exprimer ? Tu aurais pu préférer le zouk, l’une de nos musiques nationales ?

Daly: Je n’ai pas choisi la musique, c’est la musique qui m’a choisi. J’ai commencé ma carrière de chanteur en faisant du hip-hop (je rappais), à l’âge de 18 ans. Au départ, je voulais devenir disc-jockey (DJ) mais j’ai dû abandonner ce rêve car les platines et les vinyles coûtaient trop cher. J’ai d’abord corrigé les textes de mes amis qui chantaient déjà puis j’ai commencé à chanter. Je restais aux abords du Karukéra Crew, je faisais les “backs”. Le premier texte que j’ai interprété en free-style sur une radio FM locale (Radyo Tanbou) a été très bien accueilli alors j’ai persévéré. Ensuite, nous avons créé La Horde Noire et c’est là que tout a commencé avec le titre “Mi la sa ka bay”.

Mais, je suis un artiste éclectique, je suis ouvert à toutes les influences musicales. Lorsque je me suis retrouvé seul dans la musique, j’ai continué ma carrière en solo.

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KARICULTURE.NET: Ne crois-tu pas que la musique dance hall puisse passer de mode dans le futur et qu’il faille penser à se reconvertir? Cette musique a été créée en Jamaïque, une île caribéenne qui innove constamment en matière musicale…

Daly: Je ne suis pas un artiste de dance hall. Je suis un artiste tout simplement. Ma musique est métissée, c’est un mélange de dance-hall, de rap, de house (etc.) mais je garde ma base locale, je baigne dans ma culture guadeloupéenne.

Je ne pense pas que la musique dance hall puisse disparaître comme cela car elle est la petite soeur du reggae qui existe depuis des années…

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KARICULTURE.NET: Peut-on parler de “vol” quand des rythmes musicaux sont repris, copiés?

Daly: Aujourd’hui, la musique s’est globalisée, la musique s’exporte, les gens se déplacent, il y a beaucoup d’échanges. Je crois que l’on ne peut pas tellement parler de vol. La musique s’enrichit de toutes sortes de rythmes. Beaucoup de grandes stars internationales font du dance hall (comme Rihanna, par exemple) ou d’autres musiques mais elles ne le disent pas…

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KARICULTURE.NET: En 2004, Patrick Saint-Éloi, “Le Roi du Zouk-Love” ou “Le Prince du Zouk” a collaboré sur ton titre “Twop”. Comment s’est passée ta rencontre avec ce monument de la musique guadeloupéenne et caribéenne?

Daly: Ma rencontre avec Patrick Saint-Éloi s’est faite de façon très naturelle, aussi simple qu’était la personne. On se croisait déjà lors de concerts ou chez le bassiste Frédéric Caracas et je lui disais toujours qu’un jour je ferai un son avec lui. Un jour, je lui ai téléphoné pour lui dire que j’avais trouvé le son. Il sortait de chez Frédéric et il m’a dit qu’il arrivait. À l’époque, j’habitais chez ma mère au Raizet; quelques minutes plus tard, il était là, nous nous sommes rencontrés sur le parking de l’immeuble, il a écouté mon son et il m’a dit: “OK, on se voit en studio!”

Entre Patrick Saint-Éloi et moi, il y avait une grande amitié fraternelle. Il m’a appris le partage, la communion et le respect. Il me manque comme il manque à tout le monde mais il continue à vivre car sa musique est éternelle. On ne le sait peut-être pas mais beaucoup de grands musiciens internationaux connaissent Patrick Saint-Éloi et ont déjà écouté sa musique. C’est nous qui, en Guadeloupe, ne reconnaissons pas notre valeur. Quand le grand musicien Miles Davis affirme, en 1989, que le zouk est une musique qui comptera dans l’avenir, il faut entendre ce qu’il a dit…

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KARICULTURE.NET: En 2009, tu as travaillé avec la chanteuse de zouk réunionnaise, Orlane, qui vit en Martinique depuis de très nombreuses années. Pourquoi as-tu accepté cette collaboration?

Daly: Comme je suis un artiste “open”, ma musique est, comme je l’ai dit, éclectique, je n’ai eu aucun problème à collaborer avec Orlane. Comme nous avons la même dynamique de partage, cette collaboration s’est faite de façon naturelle également. Elle a demandé à mon acolyte de l’époque – Staniski – et à moi-même d’écrire une chanson pour elle et moi. Avec cette chanson intitulée “Trèves de Bavardages”, nous avons fait beaucoup de scènes ensemble…

En plus d’être une chanteuse talentueuse, Orlane est une personne extraordinaire et nous sommes toujours en contact.

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KARICULTURE.NET: Que t’a apporté cette carrière musicale, jusqu’à aujourd’hui? Des avantages? Des inconvénients?

Daly: Avant tout, je suis un passionné de musique. Le fait d’être un artiste connu est un avantage mais cela peut aussi créer des inconvénients. Quand on est connu, on ne peut pas tout faire car les gens scrutent tes faits et gestes. On finit par s’habituer à cette notoriété. Cependant, le fait d’avoir les portes qui s’ouvrent grâce à cette notoriété m’a permis de créer mon association et d’entraîner d’autres personnes. Aujourd’hui, tant mieux, si je suis reconnu pour le travail que je fais en tant qu’artiste.

Le travail est comme un puzzle avec différentes pièces pour créer un tableau. Tout est imbriqué. C’est ainsi que je définis ce que je fais. Tout a un sens.

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KARICULTURE.NET: Tu as également tourné (aux côtés du chanteur Admiral T) dans un film à succès – “Nèg Maron”, sorti en 2005 du réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny, produit par Richard Magnien et Mathieu Kassovitz. Que retiens-tu de cette expérience cinématographique? Aimerais-tu jouer de nouveau dans un long-métrage?

Daly: La musique est le centre de tout ce qui se passe dans ma vie. Tout ce que j’ai pu réaliser, jusqu’à maintenant, a été possible grâce à la musique qui m’a choisi. J’ai fait du cinéma grâce à la musique.

En 1998, j’ai connu le réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny alors que nous tournions le premier clip de “La Horde Noire”. Il s’est ensuite rapproché de moi pour écrire le personnage de “Silex” et c’est ainsi que j’ai pu jouer dans le film “Nèg Maron”.

À coup sûr, j’aimerais refaire du cinéma mais si cela doit se faire, ce sera par le biais de mes projets personnels; nous avons des projets en cours…

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KARICULTURE.NET: Contrairement à beaucoup de nos artistes, tu n’as pas quitté ton île pour t’installer définitivement en France hexagonale pour faire carrière. Tu es resté en Guadeloupe, tu travailles dans le quartier de ton enfance, Le Raizet. Pourquoi ce choix?

Daly: J’ai quitté la Guadeloupe au tout début de ma carrière, en 1999, puis je suis revenu chez moi. Pourquoi quitter un si beau pays comme la Guadeloupe pour aller cacher ma misère ailleurs? Ici, je peux ne pas avoir de l’argent en poche (j’ai déjà connu cela) mais je suis certain que je mangerai. Pourquoi quitter mon pays, la Guadeloupe, et laisser ma place à quelqu’un d’autre? Je suis réaliste, je n’aime pas faire miroiter les gens. Quand tu pars, après il y a “l’appel du tambour” qui te pousse à revenir…

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KARICULTURE.NET: Outre ta carrière artistique, tu travailles pour la ville des Abymes dans le milieu de l’insertion. Quelle est exactement ta mission?

Daly: Je suis “Ambassadeur, chargé de l’insertion sociale et culturelle des jeunes de la ville des Abymes”.

Pour moi, c’est un honneur de remplir cette mission. Le Maire, Monsieur Éric Jalton, lors de la dernière campagne municipale disait que s’il était réélu, il me nommerait “Ambassadeur”, j’avoue que je n’y croyais pas trop mais, après les élections, il a tenu sa promesse. Le travail de qualité que nous faisons au sein de l’association “Tout est Possible” a d’abord plu au Maire et il a voulu que nous la réalisions au niveau de la ville.

Je reçois énormément de jeunes de la ville des Abymes. Ils me téléphonent, ils me rencontrent à l’extérieur, ils m’envoient leur CV mais je les reçois impérativement au Centre Socioculturel du Raizet. Je discute longuement avec eux pour connaître leurs attentes. Certains ont quitté l’école, cherchent un emploi ou une formation, d’autres sortent de prison et ils veulent trouver des solutions à leurs difficultés.

Ils viennent me voir parce qu’il y a des résultats. Je n’ai pas un rôle passif, je fais de nombreuses démarches afin de permettre leur insertion et je dois les suivre.

J’ai du mal à dire à un jeune: “il n’y a rien”. Pour moi, il y a toujours quelque chose à faire; il n’y a pas d’emploi aujourd’hui mais il y a une formation ou autre chose. Je suis en contact avec les agences d’intérim et des entreprises. Lorsque je leur conseille de recruter un jeune, elles savent que j’ai déjà discuté avec lui, cerné sa personnalité, bref, j’ai déjà effectué un travail en amont. Évidemment, cela n’empêche pas qu’il y ait des échecs, des jeunes qui décident d’arrêter une formation ou de quitter un emploi pour des raisons personnelles.

Mais, les résultats sont là : grâce à mon action en tant qu’ambassadeur, la ville des Abymes a déjà inséré professionnellement de très nombreux jeunes.

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KARICULTURE.NET: Ton association dénommée “Tout est Possible” permet, entre autres, aux jeunes de s’intégrer dans la société guadeloupéenne. Pourquoi as-tu décidé de la créer? Peux-tu nous citer quelques projets réalisés depuis sa création?

Daly: L’association “Tout est Possible” a été créée en 2010. Le choix du nom apporte la positivité. Il suffit de croire en soi pour réaliser ses projets, ses rêves. Cela me concerne directement: tout a été possible car j’y ai cru. Enfant de la cité, j’ai été confronté à des gens qui venaient nous vendre du rêve et je me suis toujours dit que lorsque je pourrai, je remettrai ce que l’on m’a donné quand je suis devenu artiste. J’ai rencontré quelques personnes à qui j’ai parlé de mon projet, elles m’ont conseillé de créer une association. Auparavant, je n’avais jamais appartenu à une association alors j’ai dû me renseigner pour savoir comment la monter. Au début, nous n’étions que 3 personnes : ma mère (trésorière), ma voisine (secrétaire) et moi comme président. Notre objectif était de donner du bonheur aux gens, de montrer à notre jeunesse que les choses sont possibles.

Notre premier projet était “Rires et Chansons”, réalisé le 21 juin 2011 à la prison de Baie-Mahault. À l’occasion de la “Fête de la Musique”, nous avons réussi à organiser un véritable concert en live avec des musiciens pour les détenus. Puis, nous avons réalisé “Vizit an Mizik”, le 21 juin 2013, au Centre Hospitalier de Pointe-à-Pitre/Abymes et le 21 juin 2014, 2015 et 2016 à la Maison de l’Enfance. En décembre 2013 et avril 2014, l’association a mis en place le projet “Boost” pour permettre aux jeunes de découvrir les métiers de l’audiovisuel en deux mois.

Aujourd’hui, nous continuons toujours à former les jeunes dans le domaine de l’audiovisuel.

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KARICULTURE.NET: Quels sont tes projets musicaux? As-tu un nouvel album en préparation?

Daly: Mon prochain album sortira à la fin de cette année. Il est éclectique mais avec une base hip-hop. Il s’intitule # OMG” qui signifie “One Man Gang”.