Du 1er au 30 octobre, se tient à la salle Édouard Chartol du Centre culturel Rémy Nainsouta à Pointe-à-Pitre, une exposition intitulée “Fantômes Caraïbes” et composée de 35 photomontages et 35 peintures. L’auteur de ce travail sur les Amérindiens est Hugues Henri, Docteur en arts plastiques et plasticien, qui vit en Martinique.
Hugues Henri (67 ans) n’est pas un inconnu dans le milieu artistique en Guadeloupe car entre 1983 et 1990, le public a eu l’occasion de découvrir ses oeuvres au cours de ses expositions individuelles ou d’expositions collectives organisées par l’association “Traces” avec notamment Roger Arékian, Lucien Léogane.
Il faut aussi dire qu’avant de s’installer en Martinique en 1990 où il a enseigné à l’Institut Universitaire de la Formation des Maîtres (IUFM) et à l’Université Antilles-Guyane (UAG), cet originaire de la ville de Béziers en France hexagonale a été professeur d’arts plastiques à l’École Normale à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.
“Cette exposition “Fantômes Caraïbes” représente un cycle de 10 années de travail, de 2009 à 2019. Une partie de ce travail a déjà été montrée à la Villa Chanteclerc à Fort-de-France, en 2018. J’ai pris la décision d’exposer ici, il y a un an et demie, j’ai ajouté et changé des choses”, déclare Hugues Henri.
Concernant les photomontages, ce passionné de civilisations méso-américaines et précolombiennes qui a découvert les fonds archéologiques du Musée Edgard Clerc au Moule et visité le Parc des Roches Gravées à Trois-Rivières lors de son séjour de sept années en Guadeloupe, a d’abord fait un grand nombre de photos des lieux où ont vécu ces Amérindiens. “C’est en quelque sorte un hommage que je rends à la Guadeloupe puisque certains sites d’ici ont servi pour ces photomontages”, précise-t-il.
Une démarche d”Art équitable”
Ensuite, il a fallu faire un choix des fonds naturels, de la texture, des débris qui rappellent le passé et le présent. Les personnes intégrées aux photos viennent pour la plupart des tribus Guarani et Zo’é du Brésil, seules quelques-unes viennent de la Guyane française. “En fait, en 2005, j’ai été invité à participer à l'”Année France-Brésil” parce que j’avais publié une bande dessinée adaptée au roman de Jorge Amado, “Le Vieux Marin”. J’ai profité de ce séjour de trois mois pour me rendre à Santarém, une ville moyenne, où avaient lieu les Jeux Olympiques des nations amérindiennes. Je n’étais pas invité officiellement à ce rassemblement qui se déroule tous les deux ans mais, pendant quinze jours, j’ai pu rencontrer ces peuples et les photographier”, raconte le plasticien.
Ce n’est qu’en 2009, l’artiste décide d’utiliser cette banque d’images. “Je me demandais comment rapprocher les deux univers pour ressusciter le monde précolombien aux Antilles”, dit-il. Quand on l’interroge sur ce que penseraient ces Amérindiens s’ils voyaient leurs photos intégrées à des sites naturels inconnus ou à des cimetières dans une exposition sur les fantômes, Hugues Henri répond : “Cela m’étonnerait qu’ils soient contre ma démarche d”Art équitable”, c’est une expression que j’ai inventée. Ils sont dans une démarche de survie. Le grand chef Raoni qui est aussi chamane a déjà effectué huit visites internationales pour alerter le monde sur leurs conditions de vie, en France il a rencontré le Président Macron, il est l’ami de Nicolas Hulot (…). Revenant, apparition, persistance sont des termes qui doivent nous conduire à chercher et à trouver les traces des Amérindiens qui vivaient ici en communion avec la nature”. Et le plasticien cite l’ouvrage de Jean-Pierre Moreau intitulé “”Relation d’un voyage infortuné fait aux Indes occidentales par le capitaine Fleury” paru aux Éditions Payot qui est une traduction fidèle du manuscrit du flibustier protestant Fleury ayant vécu aux Antilles entre 1618 et 1620, donc avant le développement de la colonisation européenne…
Les Arawaks, Caraïbes et Taïnos, un thème inépuisable?
Lors de cette interview, Hugues Henri a aussi appris qu’en Guadeloupe, cette partie de l’histoire précolombienne est de plus en plus valorisée à travers des manifestations culturelles et certains habitants (notamment des artistes bien connus) ont du sang caraïbe coulant dans leurs veines. “Alors, c’est différent en Martinique, certaines personnes se cherchent des ancêtres Calinagos (…)”, pense-t-il.
Outre les 35 photomontages, l’exposition “Fantômes Caraïbes” se compose également de 35 peintures faites à l’acrylique. Ces motifs sont, en fait, des “Zémis” ou Esprits. “Ils ont été gravés sur des roches aux Petites Antilles (Guadeloupe…) et aux Grandes Antilles (République Dominicaine, Porto Rico…). En les regardant, on voit qu’il y avait un souci de qualité visuelle et plastique, un rythme avec des répétitions et des variations. Je les ai d’abord dessinés puis peints sur la toile”, explique Hugues Henri, le “Zémis n°15” à la main.
Durant ces dix dernières années, le plasticien a réalisé près de 200 oeuvres à partir de l’histoire de ces peuples autochtones. Mais, il précise qu’il a encore beaucoup de choses à dire sur le sujet. Un projet de parc consacré à la culture amérindienne a été lancé au début de cette année au Lorrain, en Martinique. “J’ai déposé un dossier pour y construire une roche à trois pointes traversée par un chemin, un parcours initiatique. Ce sera une sculpture en béton monumentale sur laquelle seront gravés tous les pétroglyphes en hommage à cette civilisation”, dit-il.