Tony Chasseur: “il y eut le Latin Jazz ou l’Afro Jazz, il existe aujourd’hui le Creole Jazz”

Tony Chasseur: "Il apparaît clairement que les acteurs du Jazz Créole sont déconsidérés et peu, voire pas du tout programmés dans les grands festivals de France hexagonale"

Franck Nicolas a été hospitalisé, ce mercredi 9 mai, en raison de son état de santé. Le trompettiste guadeloupéen a entamé une grève de la faim le 24 avril dernier pour faire accepter le jazz de Guadeloupe et de Martinique dans les festivals en France; il dénonce aussi l’attitude de Pôle Emploi de la ville de Montpellier (France) qui lui demande de rembourser 2 ans d’indemnités chômage.

KARICULTURE.NET publie la lettre ouverte du chanteur et musicien martiniquais Tony Chasseur qui soutient son action.

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Durant 30 ans de carrière, j’ai évolué dans tout ce qui fait l’actualité de la musique martiniquaise contemporaine, pour ne pas dire antillaise, avec plusieurs tournées et prestations en différents points du Globe. J’apparais, à différents niveaux, sur un nombre conséquent d’albums produits durant ces 3 décennies.

J’ai créé, en 2006, le premier big band de musique contemporaine antillaise, MizikOpéyi.

Depuis 2010, je suis concepteur et animateur d’une émission radio intitulée «Kréyol Djaz» (Creole Jazz), au sein du groupe France Télévision, diffusée en Martinique, Guyane, Wallis & Futuna, La Réunion, Paris. Émission qui m’a permis de recevoir les créateurs du style en interview, des pionniers (Alain Jean-Marie, Mario Canonge, Jean-Claude Montredon) à la jeune sève (Grégory Privat, Stéphane Castry, Arnaud Dolmen, Franck Nicolas…). Sous cette appellation sont ainsi regroupés les «Jazz» émanant des contrées créoles de toute part du Globe, avec les caractéristiques et spécificités propres à chaque région et chaque musicien.

Le nom de cette émission est inspiré des commentaires de directeurs de festivals et de radios hexagonaux, empreints de condescendance et d’un ostracisme avéré, que l’on peut résumer ainsi : «Ce n’est pas du Jazz» . Ainsi considèrent-ils les créations Jazz émanant des contrées créoles et utilisant les rythmes endémiques de chaque contrée comme base rythmique et ce, quel que soit le niveau d’élaboration harmonique et d’improvisation (bases historiques du Jazz) proposés. On peut maintenant répondre que comme il y eut le Latin Jazz ou l’Afro Jazz, il existe aujourd’hui le «Creole Jazz».

J’ai même eu à subir des réflexions de directeurs de festivals m’intimant de «ne pas chanter en créole» dans ma prestation.

Il apparaît clairement que les acteurs du Jazz Créole sont déconsidérés et peu, voire pas du tout programmés dans les grands festivals de France hexagonale, alors même qu’ils représentent les couleurs de notre pays sur de nombreuses scènes à l’étranger, recevant là-bas reconnaissance et gratification pour la qualité de leurs performances.

Ce sectarisme assumé dans le réseau des festivals rend la prise de position de Franck Nicolas tout à fait justifiée et j’y adhère sans aucune réserve. Il est inconcevable que la France, riche de toutes ces composantes culturelles ultramarines, puisse ainsi laisser quelques individus sectaires et aux connaissances finalement limitées, priver la population française de la diversité et de la richesse créatrice de ces contrées qui sont censées être dans la République. Et qui pourraient être encore une force culturelle mondiale, participant ainsi au rayonnement de notre pays, par l’originalité et la puissance des œuvres proposées.

Recevez donc ici mon témoignage, dénonçant, comme beaucoup d’autres, ces barrières, ces murs, érigés au sein de notre République par des personnes dont la fonction devrait être de présenter toutes les cultures composantes de notre pays. C’est aussi un grand cri de «ras-le-bol».

Tony Chasseur

Franck Nicolas (Photo Facebook)
Franck Nicolas (Photo Facebook)