“Sans Frontières”, le 10e album de Kasika sera encore plus chaud

Créée en 1986, l’association Kasika est un pilier de la culture dans la commune de Capesterre Belle-Eau et en Guadeloupe. Chaque année, la Noël et le carnaval sont les deux principales fêtes populaires que choisissent ses membres pour montrer toute leur créativité. À l’occasion de la sortie du 10e album de l’orchestre Kasika qui s’est formé en 1988, KARICULTURE.NET a discuté avec Moïse Benjamin connu sous le nom de “Benzo”. Le leader et saxophoniste du plus célèbre groupe de “chanté Nwèl” (Chantez Noël) de l’île nous raconte sa genèse.

Pochette KASIKA

Ce 10e album du groupe Kasika, intitulé “Sans Frontières”, qui sortira fin novembre comportera 11 titres soit 10 titres de Noël et 1 titre de carnaval. Dans les titres dédiés à la Noël, le groupe visite plusieurs rythmes : 7 biguine, 1 dombélé (un clin d’oeil à l’Afrique), 1 gospel, 1 zouk mélangé à du soukous africain pour une nouvelle version de “Michaux Veillait”, l’une des chansons incontournables de la période de Noël en Guadeloupe.

Comme d’habitude, tous les membres ont participé à la réalisation de l’album.“C’est un travail de groupe car chaque personne propose sa mélodie ou ses paroles. Ensuite, toute l’équipe collabore ensemble pour enjoliver chaque chanson mais l’auteur de la musique ou du texte reste la personne qui a fait la proposition”, précise Moïse Benjamin dit “Benzo”, le leader et saxophoniste de l’orchestre. Rappelons que Kasika est composé de 12 musiciens, 10 chanteuses et 3 chanteurs.

Pendant quatre semaines – à partir de la fin de novembre jusqu’au réveillon de Noël, période qui représente le temps de l’Avent – Kasika sera invité dans de nombreux “chanté Nwèl” dans l’île.

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Le “chanté Nwèl” de Kasika, très apprécié par l’Église

En outre, chaque année, Kasika voyage pour promouvoir le “chanté Nwèl” de Guadeloupe. Il a notamment participé à la Foire de Paris et au Festival de l’Erdre à Nantes où il avait rencontré entre autres des musiciens cubains qui avaient beaucoup apprécié son spectacle. Le 9 décembre prochain, les musiciens, les chanteurs et chanteuses du groupe se produiront à nouveau au Parc de la Villette à Paris lors de la 4e édition du “Noël Solidaire des Outre-Mer”, organisée par l’Association des Jeunes de Guadeloupe (AJEG).

Quant à l’église catholique de Guadeloupe, elle considère de façon positive ces “chanté Nwèl” qui sont très festifs et très rythmés et qui attirent chaque année des milliers de personnes. “Ce public est notre carburant. C’est un moment où toutes les couches sociales se retrouvent. C’est un exutoire. On n’a jamais entendu qu’il y a eu des voitures cassées ou des bagarres dans un chanté Nwèl. Comme chaque année, Kasika sera présent à la célébration de la messe de Noël. Pour la messe du 24 décembre prochain en l’église de Capesterre Belle-Eau, c’est “Bondyé Ban Nou Lanmou”, un très beau texte écrit par Fabienne Bordin, l’une des chanteuses du groupe, qui a été choisi. Le nouveau prêtre de la paroisse qui est d’origine haïtienne est vraiment très enchanté de pouvoir travailler avec Kasika, il connaissait déjà le groupe”, déclare Benzo. Il faut dire que les chansons de Kasika ne contiennent aucune parole obscène, ce qui n’est pas le cas des compositions de certains groupes animant des “chanté Nwèl” alors que Noël est d’abord une fête religieuse…

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Une forte présence de la famille dans Kasika

L’orchestre Kasika (du même nom que l’association qui a été fondée en 1986) est une “affaire” familiale. En effet, presque tous les membres sont des enfants ou des petits-enfants de la famille de Moïse Benjamin.

L’aventure a commencé en 1988 quand Benzo et les membres de sa famille ont décidé d’animer leur quartier à Fonds Cacao à Capesterre Belle-Eau en chantant des chansons de Noël accompagnées de musique jouée avec des vrais instruments mais aussi des instruments de fortune.

“Pour cette première fois, les musiciens de plus de 50 ans avaient joué en première partie ; mon père était encore vivant. Nous étions plus de 40 sur scène. Sur un film qui a été réalisé à l’époque, on y voit des artistes actuels comme les frères Nara qui avaient 12 ou 13 ans, Thierry Delannay etc. (…) Ce sont mes amis de l’Office Municipal de la Culture et des Sports de Capesterre Belle-Eau que j’avais invités à cette fête qui m’ont dit de mettre ce concept sur un podium. Ils m’ont demandé de partager cette ambiance traditionnelle de Noël avec les autres notamment avec les personnes qui habitent dans les immeubles et qui ne peuvent plus passer de maison en maison comme on le faisait avant. C’est le mot “partager” qui a fait tilt”, raconte le leader du groupe Kasika.

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Un premier album enregistré dans le local de répétition

Benzo et les membres du groupe vont accepter à condition que le podium soit transformé en une case d’antan avec des photos collées sur les murs, des fruits, des fleurs, un bananier etc. Par ailleurs, Benzo a exigé que les “chanté Nwèl” qu’ils animaient soient gratuits pour le public.

En 1995, Kasika qui se produisait surtout dans le cadre familial puis dans les sections de la commune de Capesterre Belle Eau, a connu un véritable tournant dans sa carrière. À la demande de la municipalité de Pointe-à-Pitre, l’orchestre a joué lors d’un grand “chanté Nwèl” sur la Place de la Victoire. Évidemment, le décor du podium représentait une case traditionnelle. “Nous avions déjà un excellent niveau musical. Nous étions déjà des perfectionnistes. Je dois dire que nous répétions dans notre local à Fonds Cacao dans le noir afin que chacun soit bien concentré sur la musique. Un producteur (Déclic Communication) qui passait par là croyait que c’était un disque qui jouait mais quand il a vu que c’était un groupe, il est devenu “fou”, il s’est précipité en demandant : “où est le responsable?”, se souvient Benzo.

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La mère de Benzo, l’inspiratrice des 3 premiers albums

Un premier album est enregistré cette même année avec des titres tels que “Man Dòdò”. Pour ne pas avoir de petits problèmes techniques dans un studio “normal”, ce disque a été enregistré en live dans le local de répétition du groupe après quelques aménagements d’insonorisation avec des barquettes d’oeufs et des tapis, par exemple. “Personne ne croyait que nous avions enregistré dans ce local. Nous étions 32 membres pour les titres de Noël et 46 pour ceux de carnaval. Ce samedi-là, nous avons commencé à 20h00 et terminé à 23h45. D’ailleurs, tous nos albums sont enregistrés en live ; nous reprenons seulement les voix”, déclare Benzo.

Une chose exceptionnelle : toutes les ambiances du Noël d’antan sur les trois premiers disques du groupe ont été communiquées par la mère de Benzo et ont été arrangées ensuite par le groupe ; celle-ci se souvenait des chansons que fredonnait sa propre mère à cette période de l’année… “Ma mère est âgée aujourd’hui de 88 ans, elle est ma bibliothèque vivante”, ajoute Benzo.

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La disparition soudaine de l’accordéoniste, Éric Minatchy

Kasika, c’est la joie mais, en 2012, le groupe connaîtra un moment terrible. Son accordéoniste, Éric Minatchy (46 ans) est décédé brutalement d’un malaise cardiaque. Les deux premières années après sa disparition ont été très difficiles pour le groupe. “Il nous manque. La première année, à “Jarry en Fête” à Baie-Mahault, tous les membres étaient tristes et pleuraient. Sur scène, j’étais au bord des larmes car tous les deux nous jouions toujours en tandem, alors j’ai fermé les yeux pour terminer la chanson (…). Je l’ai connu quand il était enfant, il avait 5 ou 6 ans et dépassait à peine le comptoir de l’épicerie de sa grand-mère. Son père était un accordéoniste et même s’il ne pouvait pas tenir l’instrument à cet âge, il appuyait sur les touches pour essayer de jouer. Plusieurs années après, en 1989, je suis allé le chercher pour qu’il intègre le groupe. Je lui ai expliqué le concept et il y a cru ; à l’époque, il avait délaissé l’accordéon et jouait du piano dans un autre groupe. C’était un grand musicien et le noyau de base de Kasika”, explique Benzo.

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Kasika et la solidarité

Tout l’argent des concerts est géré par l’association Kasika, présidée par Pierre Gobing, et sert à financer les excursions, les voyages, les achats de matériels comme du tissu pour les costumes notamment pour aider les parents ayant deux ou trois enfants participant aux défilés du carnaval etc. Il n’y a donc aucun enrichissement personnel, selon Benzo.

Cet orchestre qui fêtera l’an prochain ses 30 années d’existence a encore de nombreux projets culturels. Parmi eux, une comédie musicale écrite par Benzo dans laquelle des chansons de Noël de Kasika sont mises en scène.

En outre, afin de venir en aide aux habitants de la Dominique très touchés par le cyclone Maria, le groupe a l’intention de proposer aux organisateurs de “Jarry en Fête” en décembre prochain de faire une collecte de dons (légumes secs, conserves, boissons etc.). Avec 15 000 personnes qui fréquentent chaque année ce grand marché de Noël, les membres de Kasika espèrent remplir facilement deux containers pour les sinistrés dominiquais.

PLANNING DES CHANTÉ NWÈL DU GROUPE KASIKA 2017