Didier Juste : la percussion comme vocation

Didier Juste: "Mes parents étant artistes, ils m'ont toujours poussé à faire de la musique et, très jeune, à l'âge de 8 ans, je les accompagnais déjà à des concerts".

À 48 ans, le percussionniste Didier Juste a déjà 38 années de carrière dans la musique. Il a déjà accompagné sur scène presque tous les artistes de Guadeloupe ainsi que certains artistes de Martinique, Guyane et d’ailleurs. Depuis 13 années, il transmet ses connaissances aux jeunes. Aujourd’hui, il travaille sur son premier album.

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Didier Juste avec sa mère et le célèbre “tanbouyé” Marcel Lollia dit “Vélo”

Didier Juste naît à Champigny-sur-Marne (France) en 1970, l’année suivante, ses parents décident de retourner vivre en Guadeloupe. Son père, l’artiste-peintre Rico Roberto et sa mère qui est danseuse l’emmènent dans des léwòz dès son plus jeune âge. “J’ai commencé à jouer de la musique à l’âge de 3 ans. J’ai été élevé dans la musique. Quand j’étais petit, mes parents venaient me chercher à l’École Raphaël Jolivière à Pointe-à-Pitre, nous descendions tout le boulevard Légitimus et nous nous arrêtions à l’entrée de la rue Frébault pour voir Vélo (Marcel Lollia) jouer au ka. Mes parents étant artistes, ils m’ont toujours poussé à faire de la musique et, très jeune, à l’âge de 8 ans, je les accompagnais déjà à des concerts (…)”, raconte-t-il. Puis, un jour, se produit une chose exceptionnelle : le maître-ka lui donne l’autorisation de toucher son instrument sacré puis de jouer du ka à ses côtés. Peut-être avait-il décelé chez ce petit garçon des dispositions pour la musique… “Mon frère, Olivier, et moi, nous avons eu cette chance, ce privilège de jouer du gwoka avec son instrument. J’ai donc commencé dans la rue”, dit-il.

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Un premier concert à 10 ans

Marcel Lollia (1938-1984) n’est pas le seul maître-ka que Didier Juste connaîtra. Il y aura également François Moléon Jernidier, dit Carnot (1919-1998), François Hyzirin, dit Baggy, Guy Konkèt (1946-2012), entre autres. En effet, n’étant pas attiré par les études, le jeune homme se dirige vers ce qu’il sait faire : la musique. Son premier concert, Didier le fait à 10 ans, il accompagne le célèbre chanteur et “tanbouyé” Guy Konkèt. Après, tout s’enchaîne, il fait la connaissance d’autres musiciens mais il découvre aussi d’autres instruments de percussion et d’autres rythmes. “À 15 ans, je suis parti avec le groupe “Katouré” à Cuba. Là-bas, j’ai vu qu’il y avait d’autres percussions et j’ai compris que je n’étais pas obligé de jouer toujours les 7 rythmes du gwoka. Par la suite, j’ai pris des cours de batterie avec Fernand Gabriel, j’ai fait plusieurs stages de percussion avec des artistes africains tels que Adama Dramé, Pap Dyen et Geum”, dit-il.

Comme beaucoup de jeunes musiciens guadeloupéens, Didier Juste part à Paris, à l’aventure, et il n’y reste qu’un mois… Après son retour au pays, il intègre le groupe “Poker JBZ” des frères Castry, puis il collabore avec plusieurs autres formations. Précisons que son frère, Olivier, est aussi devenu percussionniste alors que son plus jeune frère, Sidy, a choisi le métier d’avocat…

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Didier Juste avec Tanya Saint-Val, Jean-Michel Rotin, Dominique Bérose…

Le créateur du groupe “Soft”

Au cours de sa carrière qui représente 38 années, Didier Juste a joué avec presque tous les artistes de la Guadeloupe, il a également accompagné plusieurs de la Martinique, de la Guyane et de l’étranger. La liste est trop longue pour tous les citer… “C’est le bouche-à-oreille qui fonctionne. On reçoit les morceaux de la part des artistes, on les répète pour être prêts le jour du concert”, dit-il. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en octobre dernier, à l’occasion du concert de la chanteuse et guitariste guyanaise, Sylviane Cédia, au “Festival Bleu Outre Mer”, l’une des récentes prestations du musicien.

Il y a un point que beaucoup de personnes ignorent dans la carrière de Didier Juste : c’est lui qui a créé, en 2003, le groupe “Soft” dont le leader est, actuellement, Fred Deshayes. Philippe Sadikalay, le saxophoniste, trouvera le nom du groupe – “Soft” – juste avant le premier concert à Lakaza. “Au départ, l’idée était de reprendre des morceaux de gwoka à notre sauce, comme ce que fait maintenant le groupe “K’Koustik”. Quand nous avions fait la première partie de Kenny Garrett, en janvier 2003 à Lakaza, notre prestation avait été très appréciée et le public nous a réclamé un album non pas avec des reprises mais avec nos propres compositions. Fred Deshayes avait des morceaux déjà prêts que nous avons enregistrés (…)”, explique-t-il. Finalement, cette collaboration se passera mal et, la mort dans l’âme, à l’issue d’un concert en Martinique, Didier Juste sera “contraint” de quitter le groupe qu’il avait créé… Aujourd’hui, il revoit très rarement les membres de “Soft”. “Après cette expérience, je me suis dit qu’il faut que je me relève et c’est ce que j’ai fait. Je ne regrette rien, la vie continue”, dit le musicien.

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Didier Juste avec Sona Jobarteh

La “Carte Blanche” du Festival ÎloJazz 2016

En décembre 2016, le “Festival ÎloJazz” en Guadeloupe lui offre la “Carte Blanche” pour s’exprimer devant un public de connaisseurs avec, en featuring, la compositrice, chanteuse et musicienne d’origine gambienne et anglaise, Sona Jobarteh. Son concert s’est très bien passé, cependant, il a constaté que certains artistes qu’il avait l’habitude d’accompagner sur scène ne font plus appel à lui…“Nous ne sommes pas assez solidaires en Guadeloupe (…)”, dit-il.

En outre, le musicien souligne la place secondaire que l’on attribue parfois au percussionniste dans le groupe :“certains pensent que jouer de la percussion, c’est comme faire du bruit. Si on doit enlever un instrument, souvent c’est la percussion. Un grand musicien comme Charly Chomereau-Lamothe a dû partir à l’étranger pour faire carrière“, déclare le percussionniste.

Il regrette aussi la stagnation de la musique, de la culture dans l’île. “Depuis quelques années, j’ai l’impression que nous n’évoluons pas en Guadeloupe, nous régressons alors que nous avons de bons éléments pour voir plus grand. Auparavant, nous étions plus limités mais nous avions beaucoup plus de créations, de choix. À mon avis, il faudrait en Guadeloupe une vraie politique culturelle. En ce qui concerne le gwoka, il faut éduquer les gens à cette musique. Il y a des artistes qui sortent de très beaux albums, on ne les entend pas à la radio”, affirme l’artiste.

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Un album jazzy en préparation

Depuis 13 ans, Didier Juste fait partie du corps enseignant au Centre Culturel Sonis (Abymes) où il enseigne la percussion à des filles et des garçons de tout âge. “Je transmets mes connaissances. C’est vrai que je suis l’un des rares musiciens à être restés en Guadeloupe mais si je pars, qui fera le travail ici ? Je préfère, pour le moment, rester ici même si c’est dur”, dit-il.

Depuis aussi quelque temps, le percussionniste travaille sur son premier album qui devrait sortir cette année ou l’année prochaine. Ce disque comportera 10 titres et aura des invités comme Admiral T, Dominique Coco, Dory etc. “Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y aura pas beaucoup de percussion, ce sera un album assez “doux” avec beaucoup de compositions très jazzy. J’essaye d’apporter une nouvelle couleur musicale, j’aime bien innover”, déclare-t-il.

Quand Didier Juste n’est pas sur scène, ne dispense pas de cours à ses élèves ou n’est pas en studio en train de “peaufiner” son prochain disque, il profite de la beauté de son île. “Je suis très branché nature. Il m’arrive de découvrir des coins que beaucoup de gens ne connaissent pas, ils me le disent car je fais des photos que je mets sur les réseaux sociaux (…)”, dit-il d’un air joyeux.