Cold Chizzle, un artiste de Sainte-Lucie qui valorise la culture créole à Londres

Romell Marquis "Cold Chizzle": "j'écoute tous les rythmes musicaux et je constate qu'ils ont tous un peu d'inspiration créole"

Depuis des années, Cold Chizzle travaille dans l’ombre en étant beatmaker pour de nombreux artistes. Ce jeune homme timide, né à Londres de parents originaires de Sainte-Lucie, vient de collaborer avec Triniboi Joocie de Trinidad & Tobago sur “Sa Fèb”. Ce titre est un succès dans la Caraïbe et en Grande-Bretagne. La vidéo est sortie ce lundi 15 juin 2020.

Romell Marquis alias “Cold Chizzle” est un sujet de Sa Majesté la Reine Elizabeth II. Il est né à Londres, il y a 31ans, de parents originaires de l’île caribéenne de Sainte-Lucie, il a été élevé dans la capitale britannique et il y a toujours vécu ; certes, il a découvert d’autres pays, notamment dans la Caraïbe, mais c’était des courts séjours.

Son nom d’artiste “Cold Chizzle” lui a été donné par son père : “quand mes amis et moi avons commencé à être DJ – moi, j’avais 10 ans – personne n’avait un nom de scène. Mon père qui est menuisier-charpentier a trouvé que Cold Chizzle m’irait bien. C’est un outil dont on se sert pour casser n’importe quoi, finalement ce nom-là me ressemble beaucoup. Mais peu importe le nom que je porte, je suis le seul à pouvoir faire quelque chose dans la vie pour donner un sens à ce nom. Si on le voulait, on pourrait même m’appeler basket-ball. J’ai commencé à gagner de l’argent en étant DJ à partir de 19 ans”, déclare-t-il.

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Ce sacré “feeling”!

Cependant, le jeune Romell ne voulait pas se contenter de jouer les morceaux des artistes derrières ses platines. Il a donc commencé à s’intéresser aussi à la composition. “C’est vrai, je suis un beatmaker 3.0 (rires). À l’époque, mon grand frère était producteur et il travaillait avec beaucoup d’artistes d’Angleterre, des États-Unis etc. J’étais fatigué d’écouter la musique des autres, tout le monde était sur différentes “waves”, j’ai commencé à faire des sons. Quand mon frère était absent, je m’installais devant l’ordinateur, je faisais quelques “riddims”, quelques trucs et, au fil du temps, j’ai commencé à me sentir à l’aise dans ce que je faisais”, raconte l’artiste.

Ce que beaucoup appellent “inspiration”, Cold Chizzle le nomme “feeling” (sentiment). Avant d’aller en studio, il est déjà totalement pénétré par ce “feeling” si spécial ce qui lui permet de savoir exactement la couleur musicale qu’il recherche et de travailler plus rapidement. “Il y a des anciens morceaux que j’appelle des “intemporels” car, depuis leur création dans les années 70, 80, 90, les gens continuent à les écouter, on peut les changer, les “sampler” pour essayer de refaire le “feeling”. Moi, je ne veux pas copier le “feeling” des autres, je fais ce que je sais faire”, explique le beatmaker londonien.

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Un beatmaker pour beaucoup d’artistes

Et son travail plaît puisque de nombreux artistes défilent dans son studio à Londres ou le contactent par les réseaux sociaux pour découvrir les derniers sons qu’il a composés. Parmi eux on trouve : Triniboi Joocie, Hypasounds, Motto, Ninja Dan, Blackboy, Sly, Cocoa Nuraya, Brother B, Shoo Ya, Jonas Keeves, Jay Budz.

Aujourd’hui, le jeune homme réservé a décidé de prendre le micro pour s’exprimer devant le public. Pour partir dans cette nouvelle aventure, il a choisi son frère jumeau dans son fameux “feeling musical”. Il s’agit de Triniboi Joocie, un artiste très connu à Trinidad et Tobago qui a vécu en Angleterre et qu’il connaît depuis une dizaine d’années. “Lorsque j’écrivais pour différents artistes, je devais leur chanter les morceaux pour qu’ils comprennent comment les interpréter, ils me disaient que je chantais bien (…) Au début j’étais très timide, j’avais honte, je suis quelqu’un qui n’aime pas trop les caméras, la foule mais je me sens plus à l’aise, ces jours-ci (…) Triniboi fait de la musique avec les mêmes “vibes” que moi, c’est magique, avec lui la musique court comme de l’eau d’une rivière”, dit Cold Chizzle.

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Le succès du titre “Sa Fèb”

Aujourd’hui, les deux artistes sont heureux car leur titre “Sa Fèb” qui est sorti le 8 mai dernier a été très bien accueilli dans la Caraïbe et en Grande-Bretagne. “C’est faible”, c’est la traduction littérale de “Sa Fèb” mais, comme nous le savons, d’une terre à une autre un mot ou une expression créole n’a pas la même signification. À Sainte-Lucie, “Sa fèb” signifie “ce n’est rien”, “ce n’est pas grave”. La décision d’enregistrer cette chanson vient de Triniboi Joocie. Nous avons tous les deux écrit les paroles de la chanson mais je suis le seul à parler le créole”, précise l’artiste.

Il faut savoir que, même si Cold Chizzle a toujours vécu en Angleterre, il a une véritable passion pour la langue maternelle de ses parents, le créole, qu’il a appris à parler avec l’anglais. Aujourd’hui, à travers sa musique, il valorise la langue créole, les sonorités de la musique créole qu’il considère comme une richesse.

Et, depuis Londres, le compositeur s’intéresse beaucoup à l’évolution musicale dans la Caraïbe : “le créole, c’est ma culture, chez moi, ma mère, mon frère, tout le monde parlent le créole en plus de l’anglais. Triniboi Joocie vient de Trinidad et Tobago, là-bas, seuls les aînés parlent le créole mais les artistes connaissent l’influence du créole dans toutes les inspirations musicales, actuellement”, dit-il.

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De gauche à droite: Cold Chizzle, Motto et Mr Migz

Une forte influence créole dans la musique

Et il ajoute : “Moi, j’écoute tous les rythmes musicaux et je constate qu’ils ont tous un peu d’inspiration créole ; les artistes haïtiens font du trap, hip hop, konpa, zouk, de la soca et cela a influencé. Tout le monde court après le son de Kassav’, on recherche le même “feeling” et Triniboi est venu me demander comment on peut traduire “ce n’est rien” en créole. En ce moment, il y a un “tcho spin” à Sainte-Lucie et les artistes parcourent la Caraïbe. Ici, à Londres, nous recherchons votre inspiration, votre écoute en Guadeloupe, Martinique, Guyane, Sainte-Lucie, Dominique, tous les pays créoles”, explique Cold Chizzle.

Lorsque le DJ-beatmaker-chanteur parle de “tcho spin” (DJ et ses platines), il parle de tous ces artistes saint-luciens (Motto, Mr Killa etc.) qui sont, actuellement, en train de dominer le marché de la musique soca après avoir été longtemps mis à l’écart parce que leur musique était trop “ruf” (dure) et moins mélodieuse que celle de Trinidad et Tobago…

En tout cas, après “Sa Fèb”, Cold Chizzle, le Caribéen de Londres, continuera à explorer la culture créole pour trouver le “feeling” et composer d’autres succès.