Marie-Line Dahomay : un nouveau “Kalkil mantal” pour sensibiliser la jeunesse actuelle

En étroite collaboration avec son fils, Cyril d’Alexis, la chanteuse guadeloupéenne a sorti, le 10 mai dernier, un single intitulé “Kalkil mantal” (Calcul mental). Il s’agit d’une nouvelle version du titre qu’elle a composé en 2005 qui est destiné, entre autres, à sensibiliser les jeunes d’aujourd’hui à leur histoire. L’artiste qui est considérée comme la pionnière du gwoka moderne au féminin a une carrière riche de plus de trente ans.

Marie-Line Dahomay - Kalkil Mantal 1

Le moins que l’on puisse dire c’est que le titre “Kalkil mantal”, aujourd’hui âgé de 14 ans, a déjà eu plusieurs vies. Composée en 2005 par la chanteuse guadeloupéenne, Marie-Line Dahomay, “Kalkil mantal” (Calcul mental) se présentait comme “un hymne qui porte un message de sensibilisation aux réparations des crimes contre l’Humanité perpétrés durant l’esclavage”. Dix ans plus tard, le Comité International des Peuples Noirs (C.I.P.N.) qui milite aussi pour la réhabilitation de l’ancêtre africain qui a été réduit en esclavage – tout comme le Mouvement International pour les Réparations (M.I.R.) – enregistre le titre et le nomme “Im a Réparasyon”. En 2017, la chorale “VokalKa” l’interprétera sur scène.

En 2018, Marie-Line Dahomay décide de mettre au goût du jour “Kalkil mantal” dans le but de “sensibiliser la génération des 15 à 25 ans à l’histoire du peuple guadeloupéen et du rôle qu’ils pourront jouer demain en tant que porteurs de devenir”. Outre son fils Cyril d’Alexis qui est un jeune arrangeur vivant au Portugal, la chanteuse s’entoure de plusieurs musiciens et choristes connus dans le milieu artistique local – à savoir Gilbert Coco, Joël Larochelle, Jean-Claude Descieux, Richard Descieux, Jimmy Belvilus, Gustav Michaux-Vignes, Éric Dankin, Gilles Anduse, Pierre Dahomay, Marie-Claude Poucet, Myriam Becsangèle – pour enregistrer au Studio Debs une nouvelle version de “Kalkil mantal” avec des sonorités caribéennes (gwoka/boulagyèl, calypso, ragga) et américaine (jazz).

Dans le cadre du 171e anniversaire de l’Abolition de l’esclavage en Guadeloupe qui aura lieu le 27 mai, le vendredi 10 mai dernier, de 19h00 à 21h00, l’artiste a organisé une soirée de présentation de son single et du clip qui l’accompagne au Domaine de Birmingham à Baie-Mahault.

Marie-Line Dahomay 2

Une pionnière du gwoka moderne au féminin

Née il y a 61 ans dans un “lakou” du quartier de Vieux-Bourg dans la ville des Abymes, Marie-Line Dahomay n’est pas une nouvelle figure de la chanson en Guadeloupe. Depuis son enfance, elle est passionnée de chanson et elle monte sur scène la première fois en 1975 – elle a 17 ans – pour interpréter de la bossa nova brésilienne. Quatre années plus tard, elle participe au Festival de Cayenne (Guyane française). La jeune fille poursuivra ses études supérieures et, en 1981, elle obtiendra son diplôme d’infirmière. Elle décide de concilier sa carrière dans le milieu médical avec sa carrière dans le milieu musical. En 1987, Marie-Line Dahomay devient une pionnière du gwoka moderne chanté, joué et dansé par les femmes en fondant le groupe “Katouré”. Deux ans plus tard, elle fait partie d’un autre groupe de gwoka féminin, “Kalindi Ka”. En 1996, elle apportera à nouveau sa contribution artistique à un autre groupe de gwoka composé de femmes, “Fanm Ki Ka”.

Il faut dire qu’elle a acquis une réelle expérience dans cette musique traditionnelle car, au début des années 1980, elle a été la choriste du groupe de gwoka moderne, “Kafé Ka Lévé”, créé par le musicien très connu Édouard Ignol surnommé “Kafé”.

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Une ambassadrice du gwoka

En 1990, l’artiste est présente au Festival de Lafayette en Louisiane aux États-Unis et, cette même année, son groupe sort l’album intitulé “Katouré en Louisiane”. Entre 1991 et 2007, elle participera à de nombreux festivals dans la Caraïbe et en France : Festival de Santiago de Cuba à Cuba (1991) ; Festival de Gwoka à Sainte-Anne en Guadeloupe (de 1992 à 2010) ; Festival “Vue d’Afrique” au Canada (1998 et 2000) ; Festival “Fèt Kann” à Paris en France (2001) ; Festival de Jazz de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe (2004) ; Festival d’Art contemporain en Martinique (2005) ; Festival de Gwoka de Paris (2007).

Marie-Line Dahomay se produira également dans d’autres pays et dans son île natale à d’autres occasions. En effet, en 2007, elle est en tournée avec “The Chris Joris Experience” en Belgique ; en 2015 et 2016, elle est l’une des artistes du concept international “Tambours Croisés” et elle chante en Martinique, en Haïti, en Guyane, en France, au Sénégal etc. En 2018, elle effectue une tournée en Guadeloupe (Pointe-à-Pitre, Petit-Canal, Gourbeyre, Petit-Bourg etc.) avec “Longan”, un concept musical qu’elle a créé pour rendre hommage aux ancêtres et à l’histoire. “Longan” transporte l’auditoire au cœur d’une expression créole, d’un rivage à l’autre du monde caribéen, où bien des racines se rejoignent en Terre d’Afrique. Musique d’apaisement et de réconfort, il se veut être un baume pour l’âme, un soulagement des “blès”* du présent et du passé (…)”, peut-on lire dans le dossier de presse de l’artiste. Le répertoire de ce concept musical se compose de compositions de la chanteuse et d’artistes très connus tels Manno Charlemagne, Nina Simone, Frantz Casseus, Duke Ellington et Christian Dahomay, son frère.

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Une chercheuse en gwoka

La chanteuse apprécie aussi les comédies musicales car elle a déjà participé à quatre spectacles de ce genre : “Opéra Soleil” (2007) et “Opéra Ka” (2011) avec Carole Vénutolo ; “Nou Fanm” (2012) avec le groupe “Fanm Ki Ka” ; “Tanbou Babel” (2016).

Outre son premier album “Katouré en Louisiane”, la discographie de l’artiste guadeloupéenne compte 7 autres disques à savoir : “Istwa Man Lado” (1992), “Kalindi Ka” (2000), “Jwayèz Nwèl” (2008), “Hymne aux héros anti-esclavagistes” (2009), “Fanm ka woulé pou LKP” (2009), “Im a réparasyon” (2014) et “Tambours Croisés” (2016).

Il faut préciser que, depuis 2005, Marie-Line Dahomay mène exclusivement une carrière dans la culture car elle occupe le poste de chef de projets culturels et collecteur en musiques traditionnelles à la Médiathèque Caraïbe à Basse-Terre après avoir obtenu en 2003 un D.U. Ethno Musique Rythmes et Danses du Monde à l’Université Sophia Antipolis de Nice (France). Elle est aussi un membre fondateur et coach vocal de l’association Lékòl Vwakalité. L’artiste est également une chercheuse en gwoka et a déjà publié plusieurs ouvrages dont “Des femmes caribéennes dans les musiques traditionnelles”.

*”blès” : douleur