La Maison de l’Art : une galerie qui démocratise les arts plastiques

Créée il y a quatre ans par l’artiste plasticien Jipé Fronton lequel voulait rendre accessibles les arts plastiques dans la capitale de la Guadeloupe, Basse-Terre, “La Maison de l’Art” est une galerie dynamique qui propose des ateliers d’arts plastiques aux enfants et aux adultes, loue ses locaux aux artistes souhaitant exposer leurs oeuvres et organisent des rencontres avec le public lors des soirées “Ti Kozé” en présence des artistes exposants.

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La première galerie d’art dénommée “La Maison de l’Art” a été créée en 2012 par le plasticien Jean-Pierre “Jipé” Fronton. Elle avait trouvé domicile dans un local près de la gare routière de la ville de Basse-Terre, mis à la disposition gracieusement par un habitant. Deux années plus tard, “La Maison de l’Art” a déménagé à la rue Baudot dans un local plus spacieux de 85m2 prêté par la Mairie du chef-lieu.

Après quatre années d’existence, la galerie affiche des chiffres très honorables quant à sa fréquentation, son activité. En effet, plus de 80 expositions (d’enfants et d’artistes) y ont déjà été organisées et près de 8 000 personnes s’y sont déjà rendues.

Il faut dire que l’association Jipé F’awt, présidée par Odile Cladier, qui la gère ne manque pas d’idées pour attirer le public et les artistes.

Les personnes qui franchissent le seuil de la galerie reçoivent un accueil chaleureux et sont tout de suite mises à l’aise. Elles peuvent découvrir la “Salle Mémoires” qui fait référence à la traite négrière. Celle-ci a été pensée et réalisée par Jipé Fronton qui est également le directeur artistique et le commissaire d’exposition de “La Maison de l’Art”. Il a eu cette idée avant l’ouverture du Memorial ACTe en Guadeloupe. “Sa conception est tirée d’un livre que j’ai écrit et qui est devenu par la suite une pièce de théâtre intitulée “Mémoire”. On y trouve entre autres un bateau négrier, des tableaux que j’ai peints, des chaînes qui symbolisent l’esclavage, des bustes de personnages historiques comme celui de Victor Schoelcher et du gouverneur Gourbeyre, des journaux avec des articles sur l’esclavage posés çà et là sur le sol (…)”, dit-il. Un savant éclairage a été fait par l’artiste qui est aussi éclairagiste, machiniste et technicien du son. Le fait que la “Salle Mémoires” soit fermée pour les besoins de la mise en scène, cela pique la curiosité des visiteurs qui cherchent à distinguer l’intérieur à travers la vitre des portes… Une vidéo – qui retrace la traite depuis les armateurs européens, en passant par le continent africain, jusqu’à l’arrivée des captifs dans les colonies du Nouveau Monde et qui s’arrête à l’abolition de l’esclavage de 1948 – aide à la compréhension de cette exposition permanente.

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Des prestations intéressantes parfois boudées

Chaque mercredi matin et après-midi, les enfants sont accueillis à la galerie dans l’atelier d’arts plastiques “Ti Moun Dali” où ils laissent parler leur imagination, leur créativité. À la fin du mois de juin, ces jeunes artistes en herbe exposent leurs oeuvres et nombreux sont les parents ainsi que les amis à venir admirer leurs prouesses artistiques.

Par ailleurs, les “Ti Kozé” sont très appréciés du public. Ces discussions autour des oeuvres d’un artiste qui expose dans la galerie attirent une centaine de personnes et sont organisées par l’association entre la deuxième et la troisième semaine suivant l’installation de l’exposition.

Deux offres sont proposées aux artistes qui veulent exposer à “La Maison de l’Art” : “La première concerne les expositions collectives, donc avec plusieurs artistes. La location de la galerie est d’une durée d’un mois, nous demandons 150,00 euros par artiste. Nous faisons les flyers pour informer le public, à l’occasion du vernissage nous envoyons les invitations à des personnes que nous connaissons et qui sont des amateurs d’art et nous fournissons les boissons et les petits fours.

Notre deuxième offre s’adresse aux expositions individuelles, donc d’un seul artiste mais nous pouvons accepter qu’ils soient deux. La durée de location de notre espace est également d’un mois et nous demandons 500,00 euros par artiste. Là aussi, nous réalisons les flyers et adressons les invitations grâce aux contacts que nous avons établis cependant nous ne prenons pas en charge le buffet lors du vernissage”, explique Jipé. Malheureusement, ces offres qui pourraient être considérées comme intéressantes n’attirent pas beaucoup les artistes originaires de la Grande-Terre, selon le plasticien. “Pourtant, nous avons ici à Basse-Terre et dans les communes environnantes de véritables amateurs d’art. Lorsque nous les contactons, ils sont 150 à 200 à répondre présents à chaque vernissage et ils achètent les oeuvres qui leur plaisent. Malgré cela, beaucoup d’artistes préfèrent toujours exposer à Pointe-à-Pitre ou ailleurs en Grande-Terre”, dit le directeur artistique de “La Maison de l’Art”.

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Démocratiser les arts plastiques

C’est toujours surprenant d’entendre certains habitants de la région de la Grande-Terre affirmer qu’aller à Basse-Terre – la capitale de la Guadeloupe située à 45 minutes de Pointe-à-Pitre en roulant sur de grandes routes nationales – est trop loin. C’est aberrant car ces mêmes personnes voyagent en France hexagonale pour y travailler ou passer des vacances et elles sont obligées de rester 2 à 3 heures, chaque jour, dans différents transports en commun (train de banlieue, RER, métro, tramway et bus).

Ces petites “contrariétés” n’empêchent pas “La Maison de l’Art” de poursuivre sa mission de démocratisation des arts plastiques. Depuis le mois d’octobre dernier, les visiteurs peuvent venir admirer les magnifiques créations en acajou et poirier du sculpteur sur bois originaire d’Haïti, Joseph Décibricé. Elles sont mises en valeur sur les nombreux murs du local. Évidemment, ce dernier a eu droit à toutes les prestations offertes par la galerie notamment la rencontre avec le public amateur d’art ou pas qu’il a beaucoup apprécié.

L’association Jipé F’awt a encore de nombreux projets pour développer davantage la fréquentation de la galerie “La Maison de l’Art” par le public guadeloupéen qui apprécie déjà la création artistique et le public “novice” qui souhaite la découvrir en toute simplicité mais aussi par les artistes de la Guadeloupe et de la Caraïbe.

“Nous remercions toutes les personnes qui nous ont aidés à concrétiser ce projet de création d’une galerie d’art dans le chef-lieu et tout particulièrement la municipalité de Basse-Terre et son maire, Marie-Luce Penchard”, tient à souligner Jean-Pierre Fronton.

La ville de Basse-Terre est plus que jamais une ville d’art et d’histoire.