Ibo Simon, le premier rasta de Guadeloupe, a quitté la scène

Le monde de la culture en Guadeloupe est en deuil, plusieurs personnalités ont tiré leur révérence ces dernières semaines. Ce samedi 24 septembre, Ibo Simon a quitté ce bas monde à l’âge de 82 ans.

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Dans les années 70, on rencontrait Ibo Simon dans les rues de Basse-Terre, sa coiffure rasta et ses tenues originales et colorées attiraient le regard de tous, enfants et adultes. D’ailleurs, l’artiste qui avait passé quelques années dans l’Hexagone se disait le “premier rasta” de Guadeloupe ; quelques années plus tard, il quittait ce mouvement ou religion. Il abandonera aussi le nom africain qu’il avait choisi : Waka Danaka.

À l’époque, “Ti-Georges” (son surnom) qui avait grandi dans le quartier populaire basse-terrien, Bas-du-Bourg, était un chanteur respecté qui disait “chanter la conscience” et de nombreux foyers possédaient ses 45 tours car ses chansons avaient beaucoup de succès.

Chanteur et musicien à ses débuts, Ibo Simon devenait acteur. En 1980, il jouait par exemple dans le film “Mamito” du réalisateur guadeloupéen Christian Lara.

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Dans les années 90, l’artiste devenait animateur sur Canal 10. Son émission du midi était très écoutée par ses fans et ses détracteurs. Quand Ibo Simon prenait l’antenne, presque tous les postes de télévision étaient branchés sur cette chaîne locale. Ibo Simon parlait sans complexe de tous les problèmes du pays en créole et non en français, il donnait la parole à tous, il allait dans tous les quartiers défavorisés à la rencontre des plus pauvres.

Étant conscient du poids de sa parole en tant qu’artiste officiant sur un média, Ibo Simon s’était attiré la colère des immigrés en Guadeloupe, notamment des Haïtiens qu’il qualifiait de “racaille” et qu’il voulait expulser de l’archipel sans ménagement. Des guadeloupéens qui se sentaient “envahis” saluaient son courage et l’applaudissaient tandis que des intellectuels et des associations de défense des droits de l’homme dénonçaient ses propos qu’ils qualifiaient de “racistes” et “xénophobes”.

On le disait aussi manipulé par certains qui avaient quelques intérêts dans cette lutte entre Noirs, entre Caribéens, entre descendants d’esclaves…

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En 1995, Ibo Simon décidait de se lancer dans la politique pour faire avancer ses idées avec son mouvement “Gwadloup Doubout” (Guadeloupe debout) et il devenait conseiller municipal de la ville de Pointe-à-Pitre. En 1997, il se présentait aux élections législatives et son score (plus de 14% des voix) était plus élevé que celui de partis politiques traditionnels. En 1998, il était élu conseiller régional.

Mais en septembre 2002, Ibo Simon était condamné pour incitation à la discrimination et à la haine raciale par la Cour d’Appel de Basse-Terre.

Son pourvoi en cassation ayant été rejeté en novembre 2003, l’artiste perdait ses mandats de conseiller municipal et conseiller régional. Le directeur de Canal 10 étant lui aussi condamné par la justice…

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En conclusion, Ibo Simon a ouvert la porte à certains animateurs de radio et de télévision qui, aujourd’hui, copient son style sans l’admettre.

Ibo Simon a ouvert la porte à beaucoup de personnes “simples” qui pensaient que la politique était réservée à des intellectuels comme des médecins, avocats, enseignants etc.

Sa chanson “Même si je dois mourir”, sortie en 1979, était déjà une sorte de constat de sa popularité et de son impopularité. “Même si je dois mourir un jour par des mains criminelles, je n’ai pas peur de la mort (…)”, disait-il dans le refrain. Ce samedi matin, l’artiste à la personnalité controversée n’a pas été assassiné comme il le craignait mais il est mort de vieillesse et de maladie dans son lit.