
Du 8 au 15 juin 2018, se déroulera dans quatre villes et communes de Guadeloupe, la 10e édition du “Festival Première Rencontre autour du Piano”. Le célèbre pianiste martiniquais, Mario Canonge, sera le parrain de la manifestation. Cet anniversaire permet à l’association “Gwadloup Groove” de constater qu’elle a déjà fait connaître un grand nombre de pianistes guadeloupéens.

Quand on demande à Steve Nuissier, le concepteur et directeur artistique de l’association “Gwadloup Groove” qui organise l’événement musical, pourquoi l’avoir intitulé “Festival Première Rencontre autour du Piano”, il répond: “quand les musiciens, et particulièrement les pianistes, se rencontrent, cela se passe généralement autour du piano, le piano est la raison pour laquelle on se rencontre. “Première”, c’est pour montrer l’importance de la première rencontre entre les personnes”.
Lancé en 2009, le “Festival Première Rencontre autour du Piano” célèbre cette année son dixième anniversaire. Durant les neuf précédentes éditions, il a accueilli 64 invités originaires de la région Caraïbe (Martinique, Cuba, République Dominicaine, Guyane et Guadeloupe) et d’autres pays (France, Espagne, États-unis, Japon, Belgique, Cameroun). 26 de ces pianistes sont Guadeloupéens. “J’ai décidé de créer ce festival à la suite du décès d’un ami pianiste, Jean-Louis Mérault, en 2008. Il y a quelques années, quand on demandait aux gens de citer un pianiste, le seul nom qui venait à l’esprit c’était Alain Jean-Marie. Il y a une non-représentation de musiciens locaux malgré leur talent. C’est un festival-tremplin pour montrer qu’il y a aussi d’autres pianistes en Guadeloupe qui méritent d’être connus”, explique Steve Nuissier.

Mario Canonge, le parrain de la 10e édition
Le mois prochain, le Festival accueillera sept autres invités.
Le célèbre pianiste martiniquais, Mario Canonge, avec son jazz-rock-fusion, sera le parrain de l’événement musical. Véritable virtuose, il suit les pas de deux grands pianistes: le Martiniquais Marius Cultier et le Guadeloupéen Alain Jean-Marie.
Yayoi Lina Ikawa est une pianiste japonaise qui a été formée musicalement aux États-Unis et qui joue du jazz, du R&B, de la soul, du classique mais aussi des musiques du monde. Elle a été membre de la Faculté de l’Académie Internationale de Jazz et de Danse de la Slovénie.
Marc Cabrera est considéré comme “l’un des pianistes les plus doués de sa génération”. Après avoir suivi des cours en Martinique, il est parti parfaire sa formation au Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon. Il pratique le jazz.
Jesus Javier Molina est un pianiste colombien de 21 ans qui joue du jazz classique et du jazz contemporain avec beaucoup de talent. Il a étudié au Berklee College of Music de Boston aux États-Unis.
Adam Czulak a étudié le piano dans son pays, la Pologne. Le Conservatoire National Supérieur de Musique lui a décerné le “1er Prix de Piano, Accompagnement et Musique de Chambre”.
Anthony Leclaire est un jeune pianiste guadeloupéen que le Festival propose au public de découvrir. Après son baccalauréat, il a intégré l’École de Musique de Paris, l’École Nationale de Musique d’Issy-Les-Moulineaux puis, le Conservatoire à Rayonnement Régional.
Enfin, avec les pianistes, il y aura sur scène Pamelia Stickney, l’une des joueuses de thérémine les plus réputées au monde. Le thérémine étant l’un des premiers instruments de musique électroniques. Cette ancienne contrebassiste de jazz américaine fera découvrir aux mélomanes sa technique appelée le “walking bass”. Les organisateurs la présentent comme “la surprise du chef”…

La nécessité d’une tête d’affiche
Le “Festival Première Rencontre autour du Piano” est donc un rendez-vous culturel international par la nationalité de ses invités mais il est maintenant connu par les musiciens de France et d’ailleurs qui sont nombreux à envoyer leur candidature à l’association “Gwadloup Groove”. “Souvent, je n’ai même pas à rechercher des pianistes pour les inviter au Festival car je reçois beaucoup de demandes, de projets très originaux venant d’artistes qui souhaitent se produire sur la scène du Festival”, déclare Steve Nuissier.
Au début, l’organisation a rencontré des difficultés pour faire venir le public aux concerts de musiciens non connus. Elle a donc décidé de mettre une tête d’affiche qui est chargée de “conduire” le public au Festival, de promouvoir cet instrument de musique qu’est le piano. “La tête d’affiche c’est un peu comme un “produit d’appel”. Cette année, le pianiste martiniquais, Mario Canonge, est le parrain du Festival”, dit-il.
Pour Steve Nuissier, ce type de scène de “petit format” manquait dans l’île car il donne la chance aux musiciens de se produire pour la première fois en Guadeloupe, beaucoup sont d’ailleurs originaires de l’île, il permet également de découvrir des talents. “Je connais les difficultés de se produire en Guadeloupe. Pendant une dizaine d’années, j’ai eu un groupe et j’ai postulé au FESTAG qui était le grand festival de musique de l’époque mais jamais nous n’avons été retenus pour jouer dans notre île, devant notre famille… Nul n’est prophète dans son pays, dit-on”, affirme le musicien.

Le piano, un instrument élitiste?
Par ailleurs, selon Steve Nuissier, le piano n’est pas un instrument réservé à une catégorie sociale aisée. “Cette image élitiste du piano mérite d’être dépoussiérée. Des enfants ont toujours étudié le piano en Guadeloupe. Les familles inscrivaient leur enfant à des cours et cela avait un “côté social”. Elles pouvaient dire ensuite que leur enfant étudiait le piano… C’est vrai que l’on peut aujourd’hui se demander: pourquoi autant de jeunes abandonnent les leçons de piano? Normalement, il aurait dû y avoir beaucoup plus de pianistes en Guadeloupe”, explique-t-il.
Le concepteur du Festival pratique le piano depuis une trentaine d’années. Aujourd’hui, il se consacre à la transmission car il apprend aux enfants à jouer cet instrument. Pour autant, il ne se qualifie pas de “pianiste”. Il refuse de se comparer aux “très bons musiciens” et surtout il ne se considère pas comme un musicien professionnel c’est-à-dire dont les revenus proviennent uniquement de la pratique de cet instrument de musique. “En Guadeloupe 80% des musiciens ne sont pas des “professionnels” (…) Dans ma famille, nous étions trois enfants à prendre des leçons de piano. Mon père jouait du piano. Il m’a montré les rudiments vers l’âge de 12 ans mais après j’ai “expérimenté”, j’ai reçu une formation sur le tas. Je suis parti faire des études d’administration à Montpellier (France) et, en même temps, je jouais du clavier dans des groupes. Ensuite, j’ai décidé de suivre des cours de musique au JAM à Montpellier”, raconte-t-il.

Développer les masterclasses
Pour l’organisation, le Festival a atteint partiellement ses objectifs. En 2009, si la population locale ne connaissait que le pianiste Alain Jean-Marie, dix ans plus tard, elle pense qu’elle est maintenant capable de citer d’autres noms de pianistes guadeloupéens comme Michel Mado, Jean-Michel Lesdel, Jean-Max Mirval, Sylvian Ransy, Didier Bride et bien d’autres encore. Cependant, précise Steve Nuissier: “nous devons mettre l’accent sur les masterclasses, la formation. Prendre des cours de piano dans une école de musique, c’est la base mais participer à des masterclasses, c’est aussi nécessaire pour améliorer la pratique de l’instrument, apprendre à jouer avec d’autres pianistes, connaître la vie d’un pianiste professionnel car celui-ci peut vous donner des conseils et vous parler de ses voyages, ses concerts etc”.
Pendant la semaine du Festival, du 8 au 15 juin, les artistes invités iront à la rencontre des élèves dans les écoles, des masterclasses seront organisées. “Par le passé, nous avons eu l’occasion de faire jouer des élèves en première partie des concerts. Cette initiative a permis de découvrir une vingtaine de jeunes pianistes, ces dernières années. Nous avons également organisé “Le Piano dans la Ville” où le musicien devait se concentrer sur sa musique et faire abstraction du bruit autour de lui car il jouait dans un lieu public”, dit Steve Nuissier.

7 concerts dans 4 villes et communes
Au fil des années, le Festival est parvenu à fidéliser des spectateurs. Malgré les difficultés que rencontre l’association, grâce à eux, elle continue d’organiser chaque année ces concerts. “Depuis la création du Festival en 2009, un petit noyau de 250 personnes assiste à tous les concerts. Ces personnes passionnées soutiennent le Festival, certaines me proposent même des petites sommes d’argent pour m’aider à financer les concerts car elles voient là où je veux aller, ce que je veux faire à travers ce festival de piano”, dit le directeur artistique de “Gwadloup Groove” qui rappelle que “le premier salaire de l’artiste ce sont les applaudissements”. Précisons que l’association a ouvert une cagnotte sur son site internet pour récolter des fonds en vue de l’organisation de cette 10e édition du Festival.
Le “Festival, Première Rencontre autour du Piano” est un festival décentralisé. Cette année, cinq scènes réparties dans quatre communes et villes recevront les différents artistes à savoir: le Mémorial ACTe et la Salle George Tarer à Pointe-à-Pitre, le New Ti Paris au Gosier, le Centre Culturel Gérard Lockel à Baie-Mahault et le Centre Culturel Sonis aux Abymes.
On peut toutefois regretter que le chef-lieu de la Guadeloupe n’accueille aucun concert du Festival, à l’occasion de son dixième anniversaire, mais Steve Nuissier répond: “j’attends les propositions des principaux acteurs culturels de Basse-Terre à savoir l’Auditorium et L’Artchipel, Scène Nationale”.