
Du 4 au 11 mars dernier, le Centre Culturel Rémy Nainsouta de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) a accueilli une exposition de peinture proposée par Évanor Ficadière. Ancien élève du Centre des Métiers d’Art de Pointe-à-Pitre et diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris, cet artiste originaire de Capesterre Belle-Eau qui vit en France hexagonale fait partie de cette génération de peintres et plasticiens “apparue” il y a une trentaine d’années dans l’archipel.
De l’avis de beaucoup de visiteurs, l’exposition de peinture d’Évanor Ficadière qui a duré une semaine était trop courte mais elle a été un régal pour les yeux. À travers 36 tableaux figuratifs et abstraits aux couleurs vives, le peintre a notamment promené le public dans la Guadeloupe paysanne avec plusieurs scènes de la vie locale tels que le porteur de bananes, la mère qui coiffe sa fille sûrement devant une case, le coupeur de canne, l’ancienne usine sucrière de Marquisat, des marchandes, le joueur de ka (tanbouyé), etc. Des matériaux comme des tambours ka miniatures et des chaînes en métal ont été ajoutés à plusieurs de ses créations.
“J’ai rencontré un public qui aime les couleurs, le folklore, les traditions, qui parle beaucoup de la Guadeloupe, qui aime les sujets “locaux”, parfois j’ai vu des gens de l’Hexagone qui étaient même plus “locaux” que nous-mêmes, comme cet homme qui m’a dit en créole “mwen enmé vwè ti banann-la” (j’aime voir ces petites bananes) en regardant l’une de mes toiles”, a dit Évanor Ficadière en souriant quand nous l’avons rencontré le dernier jour de son exposition au Centre Culturel Rémy Nainsouta à Pointe-à-Pitre.
Un diplômé des Beaux-Arts de Paris
Ce Capesterrien de naissance qui aime Dali, Magritte et Kandinsky et qui se définit comme un “plasticien” fait partie de ces artistes qui sont “apparus” en Guadeloupe, il y a une trentaine d’années à une époque où peindre n’était pas considéré comme un vrai métier.
“J’étais scolarisé au Centre des Métiers d’Art à Pointe-à-Pitre. À cette époque, une astrologue bien connue ici, Patricia Rey, cherchait un peintre pour dessiner des animaux de l’astrologie créole et j’ai commencé à collaborer avec elle. Lorsqu’elle a décidé de rentrer à Paris, elle m’a proposé de la suivre et là-bas, je continuerai à dessiner pour elle et en contrepartie, j’aurai une chambre gratuitement et je préparerai des concours d’entrée dans des écoles d’art. J’ai accepté, je logeais à la Porte de la Muette dans le 16e arrondissement de Paris. J’ai pu préparer des concours en suivant des cours dans le 13e arrondissement pour réactualiser mes connaissances dans l’art, ce qui j’avais appris au CMA en Guadeloupe était devenu “obsolète”. Ensuite, j’ai intégré l’École Nationale des Beaux-Arts et après trois années d’étude, j’ai obtenu mon diplôme d’arts plastiques”, a-t-il raconté.
Une carrière artistique variée
En outre, Évanor Ficadière a fréquenté l’École en Communication Graphique (ECG) et le Cours Privé d’Art Graphique Publicitaire (COPAG) qui est l’école de graphisme des futurs professionnels de l’image.
Étant polyvalent, le jeune artiste qui est resté vivre en France hexagonale a exercé le métier d’infographiste pour gagner sa vie mais il n’a jamais oublié ses pinceaux et a participé à diverses expositions.
Il y a cinq ans environ, celui qui dès l’enfance a peint et dessiné – “avec un sens de l’observation très développé”, dit-il – a décidé de se consacrer davantage à sa carrière artistique. “À force d’exposer, je me rendais compte que mes tableaux plaisaient au public. Aujourd’hui, j’ai mon atelier qui se trouve à Villeneuve-Saint-Georges au-dessus du restaurant “Créole Avenue”, c’est un endroit assez grand, un lieu de création où je passe beaucoup de temps. D’ailleurs, je dois terminer des oeuvres quand je rentre… Je m’intéresse de plus en plus au street art. Je donne des cours de dessin et de peinture. Je fais aussi partie de trois associations d’artistes qui donnent du boulot aux membres comme peindre pour une collectivité (mairie ou autres) ou un particulier, participer à des expositions, à des concours etc.”, a-t-il expliqué.
Lauréat de plusieurs concours
L’artiste a, en effet, participé à plusieurs concours et son travail a été reconnu par le public et ses pairs. Son premier prix, “Les Étoiles de la Peinture”, il l’a obtenu en 1989 en Guadeloupe. La victoire sera également au rendez-vous dans l’Hexagone avec: le “Prix du public – Les Dimanches des Peintres” (1999); le “Prix Pouilly le Fort” (2003); le “Prix du Salon de la Chapelle Gauthier” (2016); le “Prix du Conseil Départemental” (2016) lors du Salon d’Automne à Villeneuve Saint-Georges; le “Prix du Mérite” (2017) lors du Salon de Novembre à Villeneuve Saint-Georges…
Ses oeuvres sont exposées dans des galeries de renom à Barbizon, Fontainebleau (Galerie du Nouveau Monde) etc. “Mais je reste aussi un infographiste, un maquettiste, un dessinateur animalier et un musicien”, a-t-il précisé.
À la reconquête de la Guadeloupe
Petit à petit, Évanor Ficadière a commencé à se faire connaître dans son île natale qu’il a quittée à l’âge de 19 ans. C’est ainsi qu’en août 2019, dans le cadre de la fête patronale, il a participé à la 2e édition de l’exposition “CapesArt” à l’Office municipal de la culture et du sport (OMCS) de Capesterre Belle-Eau. En outre, il a réalisé une fresque à la cantine scolaire de la commune. Son exposition au Centre Culturel Rémy Nainsouta faisait aussi partie de cette “reconquête” du public guadeloupéen.
Ayant fondé sa famille dans l’Hexagone, le rêve d’Évanor Ficadière serait de venir plus régulièrement en Guadeloupe pour prendre part à des événements artistiques. Il vient d’ailleurs de s’inscrire à la 11e édition du salon “Pool Art Fair Guadeloupe” qui doit se dérouler en juin prochain à moins qu’elle ne soit annulée à cause de l’épidémie mondiale Covid-19… L’exposition à laquelle il devait prendre part au cours de ce mois d’avril au Maroc (un pays qu’il connaît) a été annulée pour cette même raison.
Le plasticien n’a pas pu rejoindre l’Hexagone à la fin de mars dernier, il est actuellement confiné chez sa mère à Capesterre Belle-Eau. Un séjour spécial au pays qui devrait beaucoup l’inspirer…