Patrick Nérini: “Lenlen symbolise tous les gens rejetés en Guadeloupe”

Le Mèt Ka Jocelyn Hubbel surnommé Lenlen. Beaucoup le croisent dans les rues de Pointe-à-Pitre mais ignorent qui il est...

Ancien Mèt Ka bien connu, Jocelyn Hubbel surnommé “Lenlen” est tombé dans l’oubli. Beaucoup le croisent dans les rues de Pointe-à-Pitre mais ignorent qui il est. Afin de rendre hommage à ses talents de musicien, son anniversaire sera célébré le samedi 30 octobre prochain par des tanbouyé.

Jocelyn Hubbel Lenlen 2
Jocelyn Hubbel “Lenlen”

Kariculture.net : Peux-tu nous présenter Lenlen?

Patrick Nérini : Jocelyn Hubbel dit “Lenlen” est né à Basse-terre le 26 oct 1954 et à l’âge de 7 ans, ses parents l’ont emmené à la Désirade. Il a travaillé à la banque, il a été le premier joueur de tambour-ka à posséder une voiture, on lui portait son tambour, on l’appelait d’ailleurs “Don Lenlen”, c’était un “roi”…

Kariculture.net : Pourquoi as-tu décidé de le mettre à l’honneur, aujourd’hui? Qui t’accompagne dans cet hommage?

P. N. : Ma compagne m’accompagne dans cet hommage.

Pour certains, “Lenlen” c’est un produit, tout est produit. Moi, je veux démontrer que c’est un être humain. Honorer “Lenlen” c’est symbolique. “Lenlen” symbolise tous les gens rejetés en Guadeloupe…comme je l’ai été aussi puisque je ne rentre pas en politique ni en religion, je ne rentre pas dans le système. Je crois en Dieu donc je crois aussi en l’être humain. Mon travail c’est d’apporter les éléments objectifs au peuple pour qu’il se fasse sa propre opinion : vox populi, vox dei. Les gens savent que “Lenlen” est dans la rue, ceux qui l’ont mis dans cet état s’expliqueront un jour… Comment, nous Guadeloupéens, pouvons-nous nous comporter ainsi avec un homme qui a fait beaucoup? “Lenlen” n’est pas un clochard, il ne boit pas d’alcool, il rentre chez lui à 7h00 du soir… Il s’assoit juste dans la rue et il attend qu’on le reconnaisse. Les grands du tambour d’aujourd’hui le connaissent très bien, le peuple moins… Hier, il n’avait pas un centime, avant-hier il n’avait pas un centime, il habite avec sa soeur qui, après un accident domestique, est actuellement hospitalisée, nous l’aidons à faire des travaux pour réparer l’appartement car il y a aussi eu un incendie…

Kariculture.net : Comment se déroulera cette manifestation “Lenlen Mèt Ka”? On sait déjà qu’elle sera en distanciel… “Lenlen” sera-t-il présent pour célébrer ses 67 ans?

P. N. : Hier, “Lenlen” m’a dit qu’il viendra… En tout cas il sera chez lui, l’anniversaire se déroulera non loin de son appartement alors, on espère qu’il sera présent et qu’il acceptera de jouer du Ka.

Le Facebook live commence à 14h00 précises et se terminera vers 16h00. Normalement, c’est un boeuf, chacun viendra avec son tambour pour jouer pour “Lenlen” mais j’ai préféré qu’il y ait un groupe de tanbouyé et c’est lui qui démarrera la célébration. Pour le moment, 2 ou 3 personnes qui m’ont assuré de leur présence et William Casse s’occupera de la régie.

J’espère que les tanbouyé seront nombreux ; on a été tellement “violent” avec le gars (Lenlen) ; le son “Takouta” appartient à “Lenlen” qui, en 1973, était monté à la Désirade avec des tanbouyé, ils y sont restés 2 ans et demi, ils logeaient chez ses parents…

J’espère que la manifestation sera vue par des Européens, des Américains, le plus de gens possible.

Le parrain de cette manifestation sera Rémi Mondey, “l’homme à l’accordéon” qui a beaucoup voyagé, un producteur, un sonorisateur (notamment des podiums du Tour cycliste de la Guadeloupe, d’Ibo Simon etc), un gars comme on n’en fait plus, une merveille…

Kariculture.net : Il y a 2 ans, ton association Nou A Yo avait rendu hommage également à un autre Mèt Ka, Marcel Lollia alias “Vélo”, pourquoi est-il important de faire connaître ce patrimoine culturel aux jeunes et aux moins jeunes? Ce travail n’a pas été fait auparavant puisque le Gwoka souffrait d’un manque de reconnaissance, il n’est jamais trop tard pour bien faire?

P. N. : Il faut arriver à présenter ces gens sous un angle. Un type m’a téléphoné pour me dire que je ramassais du “bois sec”. Oui, je ramasse dans la poubelle ceux qu’on a jetés. C’est “Lenlen” qui était le tambour marqueur de Guy Konkèt sur le titre “Baimbridge cho” et, sur internet, j’ai vu qu’on a mis un dessin de “Vélo” sur la pochette… Célini, le producteur, n’était pas au courant… Je n’ai pas commencé hier mes actions : en 2004, j’ai sponsorisé avec d’autres le disque qui célébrait les 20 ans de la mort de “Vélo”…

Il faut un minimum de justice : on oublie de dire, par exemple, que c’est Patrick Nérini qui a développé le chauffe-eau solaire en Guadeloupe mais je n’étais le premier.

Kariculture.net : Qu’attends-tu de cet anniversaire de “Lenlen” ?

P. N. : Rien.

Patrick Nérini
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