Franck Thévenaud: “Les expositions virtuelles ne remplaceront pas les expositions réelles, pas complètement, en tout cas”

Franck Thévenaud, le directeur de Concept’Art - Photo: Évelyne Chaville

Kariculture a rencontré Franck Thévenaud, directeur de Concept’Art, lors de l’exposition intitulée “Contrast” mettant en scène, du 24 au 29 novembre dernier, les oeuvres des peintres Micheline Souprayen et Jérôme Sainte-Luce à la galerie L’Art s’en Mêle au Gosier.

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Kariculture.net : Ton métier consiste à mettre en place des expositions, aujourd’hui, tu présentes l’exposition “Contrast” à la galerie L’Art s’en Mêle, qu’est-ce qui t’as motivé pour organiser cette exposition alors que la culture traverse un moment assez difficile?

Franck Thévenaud : Très difficile. À Concept’Art, cela faisait plusieurs mois qu’il n’y avait pas d’expositions en cours – expositions individuelles ou en duo, comme celle-ci – à part l’exposition permanente qui est à l’agence, cela me manquait. Cela permet de donner de la visibilité, c’est ce que je recherche depuis le début et de vendre des oeuvres, n’oublions pas que c’est la finalité. Il fallait impérativement refaire quelque chose, la galerie L’art s’en Mêle s’y prête, on a de l’espace (…).

Kariculture.net : Il faut rappeler que tu es un galeriste très particulier puisque tu n’as pas de galerie fixe mais tu recherches des lieux atypiques pour exposer des oeuvres…

F. T. : Oui, des galeries à part entière, cela me permet d’avoir une structure plus facile parce que tout est sur place, des hangars, des sociétés, des magasins, des salons de coiffures, des salons de massages, plein de lieux différents, c’est ce que je recherche, avec toujours ce même but: donner de la visibilité gratuite pour que les gens se disent que c’est accessible. Beaucoup de gens ont toujours peur de se déplacer car ils se disent que les expositions sont réservées à une élite, il y a encore ce frein. Mais, en exposant partout, on leur dit: “regardez, cela ne vous coûte rien, vous avez le droit de ne pas aimer, vous avez surtout le droit d’aimer aussi et d’apprendre. Ce n’est pas parce qu’on n’y connait rien au départ, qu’on n’apprécie pas de belles choses”. Pendant cette période, il y avait moins de lieux ouverts et ceux qui étaient ouverts n’avaient pratiquement plus de clientèle donc cela perd de son intérêt, si c’est juste pour mettre des tableaux aux murs et servir de décorateur, ce n’est pas ce que je recherche.

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Kariculture.net : Il faut que l’artiste vive de son art et que le galeriste vive de son métier…

F. T. : Cela n’a pas été le cas durant ces 6 derniers mois malheureusement donc, il était urgent de recommencer à travailler pour la santé de l’entreprise car s’il n’y a pas d’exposition, il n’y a pas de vente et pour le plaisir aussi car j’adore cela.

Kariculture.net : Combien d’oeuvres accueille cette exposition “Contrast”?

F. T. : Au moins 60 pièces. C’est une grande et belle exposition avec deux artistes que j’aime beaucoup et avec qui je travaille depuis pas mal de temps. On avait déjà fait Horizons telluriques en collectif, ici c’est plus réduit car ils sont deux mais le but après, c’est de faire des expositions individuelles.

Kariculture.net : C’est donc la grande reprise, aujourd’hui ?

F. T. : C’est la grande reprise de Concept’Art qui va se poursuivre la semaine prochaine avec Florence Poirier et Ade Adesina.

Kariculture.net : Pourquoi as-tu choisi “Contrast”? Est-ce un contraste par rapport à l’épidémie de Covid-19 qui est en train de sévir à l’extérieur et dans cette salle d’exposition, on est bien au calme avec les gestes barrières ou un contraste entre les deux artistes?

F. T. : (Rires) Je n’y avais pas pensé mais je vais garder la première idée… Au départ, c’est plus un contraste entre 2 artistes, leur technique, leur individualité. Ils sont artistes mais ils ne se ressemblent pas même s’il y a du talent dans les deux cas mais ce n’est pas le même, il n’est pas exprimé de la même façon. Je devais trouver un thème pour un duo.

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Kariculture.net : Comment se passe l’exposition? Est-ce que les visiteurs sont au rendez-vous? Est-ce que tu sens que le public redemande de l’art comme avant ou est-ce que c’est timide?

F. T. : Les gens redemandent de l’art mais c’est timide. Ce sont des expositions courtes, elles durent 5 jours, c’est aussi une volonté, c’est intense. Je voulais quelque chose d’assez compact au lieu d’une exposition qui dure plusieurs semaines même si j’aime bien ce principe mais pas dans ces circonstances. Le début est un peu calme parce que les gens travaillent, ils sont plus nombreux en fin d’après-midi quand ils sortent du travail, le vendredi et samedi aussi.

Kariculture.net : Comment le confinement s’est-il passé pour toi?

F. T. : À titre personnel, cela s’est bien passé. On a la chance d’être en Guadeloupe, je suis avec ma famille, je ne vais absolument pas me plaindre. À titre professionnel, cela a été très, très dur à cause des contraintes pour faire des choses et l’envie qui s’étiole parce que l’on se dit que cela ne sert à rien. Cela a été très difficile pendant ces 6 mois. J’ai vu beaucoup de mes collègues et concurrents jeter l’éponge et d’autres se lancer dans le numérique.

Kariculture.net : Que penses-tu des expositions numériques?

F. T. : Je n’en suis pas fan du tout. Je suis très frustré, je vois des oeuvres sur les réseaux, sans les voir en vrai, je ne sais pas si ce sont les bonnes couleurs etc. Cela ne me fait pas le même effet. Je sais que c’est un passage obligé du fait de la maladie, pour diffuser, aller plus loin dans le monde, c’est un très bon moyen mais je ne suis pas fan.

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Kariculture.net : Pour toi, l’exposition numérique, c’est plutôt pour les collectionneurs et les spéculateurs et pas pour monsieur et madame tout le monde?

F. T. : Un peu. Pas pour monsieur et madame tout le monde, pour les gens qui sont un peu néophytes! Je suis sûr que cela ne leur fait pas le même effet quand ils voient une photo sur un réseau et quand ils viennent dans une galerie pour rencontrer les artistes, des acteurs qui donnent des explications.

Kariculture.net : Concept’Art en ligne, ce n’est pas pour maintenant?

F. T. : Si, peut-être mais j’ai du mal. Je sais qu’il faut que je me fasse violence, on va y passer de toute façon, l’épidémie a tout précipité mais je reste persuadé que les expositions virtuelles ne remplaceront pas les expositions réelles, pas complètement, en tout cas.

Kariculture.net : Qu’as-tu prévu pour Concept’Art en 2021?

F. T. : J’avais plein de projets, des projets lourds financièrement, un peu utopiques. Malheureusement, je ne pourrai pas les réaliser, je ne sais pas du tout comment se terminera 2020 et commencera 2021. Mais, je serai toujours là pour chercher des endroits atypiques et faire des expositions ou faire des visites à l’agence pour des gens qui viennent spécialement, en espérant que l’on puisse recommencer à vivre normalement.

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