Érick Marset nous livre ses souvenirs de “Lizin-la”

“Lizin-la” (L’Usine) c’est le nom d’un CD qu’a sorti l’écrivain et comédien guadeloupéen, Érick Marset. Il y raconte ses souvenirs et ses impressions concernant l’ancienne usine sucrière Darboussier.

5-Archives départementales de la Guadeloupe FRAD971_5FI020_389_C
Archives départementales de la Guadeloupe FRAD971_5FI020_389_C

Pour nous parler de son oeuvre, le meilleur endroit était de donner rendez-vous à Érick Marset sur le site de cette ancienne usine de Darboussier situé à l’entrée de la rade de Pointe-à-Pitre. Il y a quelques années, cette construction a été rasée pour construire à sa place de nouveaux logements sociaux, d’ailleurs certains nouveaux habitants avaient déjà eu l’occasion de nous dire que, la nuit, il leur arrivait d’entendre le bruit de l’usine en marche ainsi que des voix…

À cet endroit a été implanté également le Mémorial ACTe (Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage) qui a ouvert ses portes au public en 2015. Seul le bâtiment administratif de l’usine a été conservé, il sera transformé prochainement en Centre d’Art Contemporain par la Région Guadeloupe avec le soutien financier de l’État.

“Je n’ai pas vécu dans ce quartier, mes parents n’y ont pas travaillé comme de nombreux Guadeloupéens à cette époque mais je me souviens d’un oncle et d’un cousin qui y travaillaient et quand ils venaient à la maison, ils racontaient la vie de l’usine. Il y avait beaucoup de métiers ici : chimistes, ferronniers, charpentiers, soudeurs etc. Cependant, j’ai été baigné dans l’industrie sucrière car, quand j’étais gamin, la locomotive passait à Vieux-Bourg aux Abymes où j’habitais, certains escaladaient les wagons et parfois chutaient… Quand j’allais à l’École primaire Léon Fleix qui était en bois à l’époque à l’Assainissement à Pointe-à-Pitre, des camions remplis de canne à sucre passaient à la rue Hincelin, certains élèves se précipitaient pour ramasser les cannes qui tombaient, je ne l’ai jamais fait de peur que quelqu’un ne me voie et en parle à mes parents qui étaient plutôt stricts. Durant mon enfance, je n’ai pas eu la chance d’entrer dans cette grosse usine, je suis seulement passé devant en car puisque comme maintenant les transports en commun empruntaient la rue Raspail”, raconte-t-il.

Lorsque l’usine sucrière de Darboussier a cessé son activité au début des années 1990, Érick Marset s’est rendu sur les lieux et, aujourd’hui, les yeux brillants, il se souvient encore de cette usine en friche dans les moindres détails.

1-Érick Marset - Lizin-la 1

Un retour aux sources en texte, musique et bruitage

De 2010 à 2011, il a recueilli de nombreux témoignages de personnes ayant travaillé sur le site ou ayant vécu l’évolution de l’industrie sucrière en Guadeloupe. En 2015, il a eu l’idée de donner une autre facette à son travail et, en 2016, il a commencé la rédaction d’un texte en créole à partir de ses investigations et ses souvenirs concernant l’usine sucrière de Darboussier.

Aujourd’hui, le CD “Lizin-la” est sorti, il s’agit d’un texte d’une durée de 11 minutes et 20 secondes écrit sous une forme poétique avec des bruitages et de la musique et qui est lu par le comédien.

“Il m’a fallu près de quatre ans pour concrétiser ce projet. L’écriture du texte m’a pris beaucoup de temps, je n’arrivais pas à trouver la manière de dire les choses, il fallait être efficace, imagé et traduire le bon sens en créole, une seule phrase est en français”, dit l’écrivain.

Les bruitages sont très importants car ils permettent de comprendre ce qu’il se passe. Ainsi, au début on entend des animaux et on comprend que l’action se déroule en Afrique, puis on devine une agression, il y a des coups de feu et des cris, après on imagine la mer et une traversée, enfin on imagine la terre ferme et on entend les fouets… Suite à ce voyage, l’auditeur arrive dans le monde de la canne à sucre. Selon Érick Marset, le musicien Frédéric Caracas et l’ingénieur du son Daniel Trépy se sont sentis “très concernés” par son projet et, grâce à leur professionnalisme et générosité, ils ont su produire exactement l’oeuvre qu’il souhaitait présenter au public.

Pour illustrer la pochette du CD, l’artiste a choisi le symbole du “Sanfoka” signifiant “Retour aux sources” en langue akan du Ghana (Afrique) et représenté par un oiseau mythique qui avance la tête tournée vers l’arrière avec un oeuf en son bec ; c’est donc une invitation à connaître son passé pour mieux aller de l’avant, le futur est symbolisé par l’oeuf.

À travers ce CD intitulé “Lizin-la”, l’écrivain veut dire aux Guadeloupéens “qu’ils ne doivent pas avoir honte de leur passé mais qu’ils doivent bien le connaître, le digérer pour avoir la force de s’élancer vers l’avenir”.

Prochainement, Érick Marset nous proposera peut-être une nouvelle oeuvre à partir d’un autre vestige de la Guadeloupe. “Je suis très attiré par ces anciennes constructions, les moulins notamment, c’est comme si elles me parlent”, déclare-t-il.

1-Érick Marset - CD Lizin-la